Avec cet album, Ondine propose un voyage se déroulant non pas à travers, mais autour de la musique de Brahms. Tantôt simple orchestration, tantôt source d’inspiration, cet exercice stylistique attirera autant l’amoureux du compositeur allemand que le curieux à la recherches de nouveautés.
La première partie propose les Vier ernste Gesänge (Quatre chants sérieux) op. 121 dans un arrangement effectué par le compositeur allemand Detlev Glanert. La différence majeure réside dans les interludes faisant guise d’enchaînements entre chaque pièce, afin de pouvoir jouer tout le cycle (rebaptisé Vier Präludien und Ernste Gesänge pour l’occasion) sans interruption. Ce procédé assez intéressant fait de ces quatre lieder une grande fresque vocale, et permet à l’arrangeur davantage de souplesse. En effet, si l’orchestration de la musique de Brahms est plutôt fidèle au style, les ajouts de Glanert se permettent un langage bien plus moderne, fait de collages harmoniques résolument contemporains. Reprochons simplement au postlude d’évoquer de manière bien trop évidente un final de symphonie de Mahler pour pouvoir rentrer dans l’un des deux styles nommés précédemment. La référence est certainement voulue, mais est-elle vraiment opportune?
Le baryton généreux et brillant de Michael Nagy se déploie chaleureusement tout au long du cycle. Cependant, le doute s’installe avec les premières voyelles ouvertes: la voix semble avoir du mal à tenir en place, et ce peut importe la tessiture. Seraient-ce déjà les signes de l’âge pointant à l’horizon? Rien n’est sûr, mais l’affaire est à suivre. Si l’interprétation n’est pas la plus ardente et passionnée que nous connaissions, la musicalité s’avère en revanche suffisante pour donner à cette méditation sur la mort une inspiration plus recueillie et mûre que sombrement cérébrale.
La direction d’Olari Elts passe d’un style à l’autre sans difficulté, assurant ainsi l’unité de cette réécriture. Ici encore, ce n’est pas l’exaltation passionnée que nous retiendrons de la performance, mais l’équilibre et la précision de l’Orchestre Philharmonique de Helsinki sont toujours au rendez-vous, témoignant d’une sage maitrise de l’harmonie et de la forme.
A côté de ce cycle vocal figuraient deux pièces instrumentales. Tout d’abord, Weites Land dudit Glanert, dont le matériau structurant est tiré des premières mesures de la 4ème Symphonie de Brahms. Si l’orchestration nous laisse un peu circonspect par des choix d’instrumentation parfois discutables, nous sommes tout de même séduits par l’idée de la pièce.
Mais c’est surtout sur la réécriture de Luciano Berio que se portera notre attention. Avec cette orchestration de la Sonate pour clarinette op. 120 no. 1, le compositeur italien montre qu’il sait se couler dans le style de Brahms sans la moindre difficulté, le traitement orchestral ressemblant à s’y méprendre à celui du maître hambourgeois. La clarinette de Kari Kriikku brille par sa richesse de timbres, même si une prise de son perfectible lui fait manquer de soyeux. Olari Elts est déjà plus audacieux, sans pour autant perdre sa maîtrise de la forme de ce « quasi-concerto » pour clarinette.