Alors que les adaptations lyriques de The Importance of Being Earnest se bousculent, on découvre toujours de nouveaux opéras inspirés par les œuvres d’Oscar Wilde. Le label Lyrita ne cesse de braquer ses projecteurs sur des compositeurs britanniques injustement oubliés, et voici qu’il nous révèle un court opéra tiré de la nouvelle Le Crime de lord Arthur Savile.
Né à Londres en 1920, décédé en 1998, Geoffrey Bush n’avait que sept ans de moins que Benjamin Britten, mais n’a évidemment pas la même célébrité. Son catalogue riche et divers inclut six opéras de chambre, écrits entre 1952 et 1988. Lord Arthur Savile’s Crime lui fut commandé pour les élèves de la Guildhall School of Music, qui le créèrent en 1972, et l’on songe en écoutant cette œuvre que les différents « ateliers » et « académies » de jeunes artistes lyriques seraient bien inspirés de le mettre à leur programme. Comme cela va de soi pour ce genre de composition, l’écriture n’appelle aucune prouesse vocale particulière et l’absence de référence ne pèserait pas sur les épaules des chanteurs, comme c’est le cas lorsqu’on leur confie des ouvrages trop connus.
Cinquante minutes de musique, trois scènes, et le tour est joué. La première nous introduit dans le salon de Lady Windermere, où un chiromancien révèle à Lord Arthur que son destin est de commettre un crime ; la deuxième, dans la boutique tenue par un anarchiste où le héros vient se procurer une bombe ; et la dernière, sur les bords de la Tamise où, après un duo d’amour avec sa fiancée, Lord Arthur commet son crime et, soulagé, peut enfin envisager d’épouser Sibyl Merton. Le texte est truffé de bons mots empruntés à diverses œuvres de Wilde, notamment sur la musique (« Vous aimez les animaux, mais êtes sévère envers les défauts d’autrui : Lady Flora, vous avez un grand avenir comme critique musical »). La partition rappelle la veine la plus légère de Britten, celui du Songe d’une nuit d’été ou d’Albert Herring (et s’autorise, comme dans ce dernier titre, une citation de Tristan, ici quand la duchesse de Paisley dit : « La musique allemande est excessivement ennuyeuse, mais la langue sonne entièrement respectable »…)
Dans l’enregistrement réalisé en 1986 dans les studios de la BBC, on entend un échantillon de ce que l’école de chant britannique avait de mieux à offrir à l’époque. On citera avant tout le somptueux contralto d’Anne Collins, Erda et première Norne dans la Tétralogie en anglais enregistrée par Reginald Goodall, mais également très réputée en Grande-Bretagne pour ses incarnations mémorables dans les opérettes de Gilbert et Sullivan. A tout juste trente ans, Lynne Dawson n’était alors qu’à l’aube d’une belle carrière surtout consacrée à la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, et l’on se rappellera que la mezzo Eirian James fut notamment Despina pour John Eliot Gardiner. A la même époque, Donald Maxwell fut applaudi en Golaud à Paris sous la direction de Pierre Boulez. Le baryton écossais Alan Watt promena son Guglielmo et son Papageno dans bon nombre de théâtres de la planète. Dommage seulement que David Johnson ne soit pas le plus enthousiasmant des ténors : la voix est assez engorgée, même s’il fut, paraît-il, très demandé dans les années 1970-80 comme Evangéliste des Passions de Bach.
Le concerto pour trompette, piano et cordes ajouté en complément de programme, d’une vingtaine de minutes, se laisse écouter sans forcément marquer l’esprit de manière durable.