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L'opéra dans l'histoire

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Livre
30 mai 2017
Les caprices d’un fleuve

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Détails

Disponible en librairie au prix indicatif de 24€

544 pages, www.edplg.be

Non, l’opéra n’est pas né à Florence au XVIIe siècle et ne parle pas seulement trois langues : le français, l’allemand et l’italien. Dès l’Antiquité, en Grèce, le théâtre, comique ou tragique, s’accompagne de chants et de danse. Le Moyen-Age aime mettre en scène des épisodes du nouveau testament où musiques et prières alternent en un spectacle destiné à instruire une population souvent analphabète. En 1472 à Mantoue, déjà, Angelo Poliziano compose en vers sur le mythe d’Orphée un drame en un acte qui aurait comporté des chœurs et des scènes dansées.

Puis, effectivement, au début du seicento, vint Monteverdi, le premier à poser les fondements solides du genre. Mais, partant de là, l’opéra poursuit son développement au-delà des cours italiennes et de la tragédie lyrique française. Tel un fleuve aux bras multiples, il irrigue l’Europe. Il traverse la Manche pour arroser l’Angleterre où il rejoint la tradition du Masque. Il infiltre les innombrables principautés du Saint-Empire Germanique pour donner naissance au Singspiel, cette œuvre théâtrale en langue allemande, alternant comme l’opéra-comique dialogues parlés et morceaux chantés. En Espagne, sous une forme similaire, il devient zarzuela. Il consacre avec De triomfeerende Min composé en 1678 par Carel Hacquart l’issue du conflit franco-hollandais, et prend ses quartiers néerlandais dans un nouveau théâtre construit en 1698 à Bruxelles à l’emplacement de l’Hôtel des Monnaies.

Plus tard, tout en confortant ses positions dans les pays déjà convaincus de ses attraits, il poursuit sa conquête. Arrêté momentanément dans son élan au Portugal par le terrible tremblement de terre de 1755, il baigne les terres septentrionales : Suède, Danemark, Norvège… Avec la nomination de Francesco Araja comme Maître de chapelle à Saint-Pétersbourg en 1735, une digue cède. Ce n’est pas seulement la Russie qui est inondée mais toute l’Europe orientale : Tchéquie, Moravie, Pologne, Hongrie, Bohème, etc. Après l’est, l’ouest est à son tour mouillé. Dans la seconde moitié du 19e siècle, l’Atlantique est traversé et les Amériques abreuvées du nord au sud.

Le 20e siècle voit les positions se stabiliser. Quelques affluents se tarissent tandis que d’autres  creusent leur lit. L’exploration n’est plus tant spatiale que formelle. A l’exemple de Wagner, les compositeurs tentent de briser les codes pour modifier le cours de l’opéra, avec plus ou moins de succès tandis que les avant-gardes, sous l’influence dogmatique de Pierre Boulez, veulent carrément brûler ses maisons. Dans leur sillage, certains arguent du vieillissement du répertoire, de la désertion des salles et de la désuétude d’une forme inadaptée à la pulsation de notre époque, pour en prédire la fin. A tort. Chaque saison apporte aujourd’hui son lot de créations et d’exhumations, d’édifications et de restaurations qui témoignent de la vivacité d’un genre imputrescible. L’union faisant la force, le pouvoir des mots et des notes, ensemble combinés, demeure cathartique.

Rappeler une telle épopée sous un angle à la fois chronologique et géographique est le défi courageusement relevé par Bernard Wodon à partir d’un certain nombre de références dont le Guide de l’opéra d’Harold Rosenthal et John Warrack ainsi que les volumes de la collection « Les indispensables de la musique » publiés par Fayard. Ce parcours encyclopédique est ponctué de nombreux arrêts sur les œuvres les plus emblématiques du répertoire, synopsis et brèves considérations musicales venant enrichir le flot d’un récit qui se réduirait sinon à une fastidieuse énumération d’années, de pays et de noms. Survient alors la sempiternelle interrogation : pourquoi avoir privilégié telle œuvre plutôt que telle autre ? L’approche, bien que scrupuleuse, n’est pas exempte de choix discutables. Le plus fâcheux d’entre eux est la portion minime réservée une fois encore aux opéras sérieux de Rossini. En dehors du Barbier de Séville, de La Cenerentola et de Guillaume Tell, point de salut quand Tancredi, Semiramide, Otello, ou encore La donna del lago, aujourd’hui régulièrement représentés, démontrent s’il était nécessaire l’influence exercée par le Cygne de Pesaro sur l’art lyrique. C’est ainsi malheureusement que perdurent les idées reçues quand l’un des intérêts d’un tel ouvrage serait de prendre en compte les fluctuations du regard que l’on porte sur une histoire toujours en marche.

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