La maîtrise exceptionnelle de tous les genres, de tous les styles et son abondante production firent de Telemann le musicien le plus réputé de son temps, considéré comme l’égal de Haendel ou de Bach. Souvenons-nous que ce fut à contre-cœur que le chapitre de Saint-Thomas de Leipzig se résigna à engager Bach pour cantor à la place de Telemann, qui préféra rester à Hambourg. Si d’autres sommes consacrées au compositeur ont été publiées ces derniers mois ou ces dernières années (Sony, Brilliant), celle-ci n’a pas de réelle concurrente, sinon l’intégrale en cours de Rademann. La réédition de ces enregistrements anciens est donc bienvenue, placée sous la direction experte de Hermann Max, spécialiste de ce répertoire de l’Aufklärung. Son ensemble, das kleine Konzert, et son chœur, die Rheinische Kantorei, demeurent des références par leur vie, par leur vérité. Les solistes, parmi lesquels on retrouvera avec bonheur Barbara Schlick et Christoph Prégardien, parmi tant d’autres, sont plus qu’honorables.
Trois oratorios, Die Donnerode (1756 et 1760), Die Auferstehung und Himmelfahrt (1760), Der Tag des Gerichts (1762), de nombreuses cantates – dont plusieurs sur des textes et des timbres de chorals illustrés par Bach (Jesu, meine Freude ; Der Herr ist König; Christus, der ist mein Leben ; Du, o schönes Weltgebaüde ; Jesus, meine Zuversicht ; Ich bin ja, Herr, in deiner Macht), une messe brève et un psaume latin, le programme est riche et divers. Qui résisterait à la tentation d’écouter la cantate Jesu, meine Freude, évidemment basée sur le même choral que celui qui fonde le motet de Bach, et de se réjouir des qualités d’invention du Hambourgeois ? Le pouvoir évocateur, illustratif est toujours porté au plus haut niveau, le texte gouvernant la musique. Si tel ou tel oratorio a connu depuis une gravure plus fine, l’ensemble n’en demeure pas moins une référence : loin des interprétations passe-partout, Hermann Max, imprégné de cette musique, trouve le caractère juste, spécifique à chacune des œuvres. Le sens dramatique, la puissance, l’éloquence et le mystère sont remarquablement traduits, la palette expressive est large. Seul regret : les textes – essentiels – dont la connaissance donne les clés, comme chez Bach, ne sont pas reproduits dans la notice. Sans doute auraient-ils été trop abondants pour une collection économique… Pour autant, il serait dommage de bouder cette anthologie, tant le choix des œuvres est pertinent, large ; leur interprétation, exemplaire, n’a pas vraiment pris de rides.