D’après la presse allemande, Inge Borkh est morte aujourd’hui à l’âge de 101 ans. Reconnue autant pour la puissance de sa voix que pour son tempérament dramatique, la soprano née à Mannheim en 1917 avait quitté l’Allemagne en 1935 en raison des origines juives de sa mère. Réfugiée en Suisse après des études à Milan, elle fait ses débuts au Théâtre municipal de Lucerne en 1940 dans Agathe du Freischütz. Sa carrière internationale débute en 1950 à Munich puis Berlin. Elle est invitée à Bayreuth dès 1952 puis conquiert une à une les plus grandes scènes internationales dont le Metropolitan Opera en 1958 avec le rôle de Salomé. Elle fait ses adieux trente ans plus tard, en 1988, au Festival de Munich. Aujourd’hui encore, elle reste une interprète de référence des opéras de Richard Strauss et de Richard Wagner mais aussi de Turandot, l’ultime chef d’œuvre de Giacomo Puccini.
« Callas était Tosca, Schwarzkopf était la Maréchale, Inge Borkh était Elektra. Rares sont les identifications aussi poussées entre un interprète et un rôle. Elle avait pour elle une incroyable facilité vocale : sa voix n’était pas lourde, elle était au contraire fluide, ductile, d’une rare souplesse, s’épanouissant dans un aigu radieux qui semblait ne pas avoir de limites. Du théâtre, qu’elle avait appris jeune fille, elle avait gardé une discipline de la projection des mots, précieuse pour faire honneur aux textes de Wilde et d’Hoffmannsthal. Elle pouvait enfin miser sur son physique d’athlète, élancé, svelte. Pour incarner Salomé, les cours de danse de l’adolescence se révélèrent précieux. Et puis surtout, il y avait cette incandescence furieuse, une forme d’inconscience vocale qui rappelaient Welitsch, et rendaient son Elektra et sa Salomé irremplaçables. Tout mélomane straussien connaît et chérit à juste titre le disque d’extraits d’Elektra et Salomé qu’elle a gravé pour RCA en 1955 et 1956 sous la baguette volcanique de Fritz Reiner » écrivait à son sujet Julien Marion dans notre article sur les voix straussiennes publié en 2014 à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Richard II.