« Schubert unfinished » ? Titre étrange pour un album qui offre une « Symphonie inachevée »… achevée !
Si la symphonie n°7 en si mineur (D 759) ne nous est parvenue qu’avec ses deux premiers mouvements, Schubert en avait bel et bien esquissé un scherzo – récemment orchestré par Nicola Samale et Benjamin-Gunnar Cohrs. En y adjoignant le premier entracte de Rosamunde (D 797) en guise de quatrième mouvement, le chef Stefan Gottfried nous propose un ensemble cohérent, et conclut ce que le compositeur avait laissé en suspens.
Etait-il nécessaire d’achever cette partition ? Sans doute que non : en dépit de son état fragmentaire, elle demeure l’une des plus célèbres symphonies de l’ère romantique. Mais cet enregistrement a le grand mérite de nous faire entendre le scherzo vif, intense et plein de contrastes imaginé par Schubert.
A la tête du Concentus Musicus Wien – fondé par Nikolaus Harnoncourt en 1953 – Stefan Gottfried convainc sans tout à fait séduire. On apprécie la précision des timbres, la mise en valeur des motifs rythmiques dans l’Allegro moderato, et le travail sur les nuances. Mais il nous manque une vision d’ensemble à l’échelle de la phrase musicale, et à l’échelle du mouvement tout entier. La partition nous apparaît ici comme une succession d’événements plus que comme un discours construit : s’en suivent quelques accents violents, des contrastes trop soudains, et un tissu orchestral qui manque un peu en densité et en legato.
Les musiciens proposent malgré tout de beaux moments lyriques dans l’Andante con moto, servis par une esthétique chambriste et une attention aux détails.
Cette symphonie n°7 est accompagnée par sept lieder de Schubert, proposés dans les orchestrations de Brahms et Webern et interprétés par le baryton Florian Boesch. On sent chez ce dernier une maîtrise et une affinité particulières avec le genre du lied : le naturel de l’émission, la clarté de la diction, la simplicité de la ligne en font un interprète de choix pour ce répertoire.
Si les quatre premiers lieder du programme laissent entrevoir toute une palette expressive, ils ne lui permettent pas de la déployer et laissent l’auditeur un peu sur sa faim : à trop vouloir préserver l’intimité de cette musique, on en perd le drame et les couleurs. Ainsi, « Tränenregen » (Die schöne Müllerin) et « Der Wegweiser » (Die Winterreise) touchent par leur retenue, mais mériteraient des contrastes plus affirmés.
Heureusement, le « Gruppe aus dem Tartarus » (D 583) et « Du bist die Ruh » (D 776) donnent au baryton l’occasion de montrer un timbre sombre et élégant, ainsi qu’un art consommé des nuances. L’orchestre sort à son tour de sa réserve et met en avant la richesse de l’orchestration.
On ne peut donc que déplorer que Florian Boesch ne soit pas davantage mis en valeur par le programme et les choix d’interprétation : on aurait aimé en entendre davantage, pour ne pas rester sur un goût… d’inachevé ?