Ce Noël 2018 capté à la Chapelle Royale de Versailles est un vibrant écho au Nöel de 1723 où Bach célébra sa première année à Leipzig avec sa cantate Christen, ätzet diesen Tag, et son Magnificat donné aux vêpres de l’après-midi. Monument de la musique sacrée, mariant subtilement pieté et virtuosité, le Magnificat s’imposa d’emblée comme un chef-d’œuvre. Cet enregistrement est un premier disque, celui d’un très jeune chef de 23 ans, Valentin Tournet, à la tête de son ensemble La Chapelle Harmonique, fondé il y a deux ans. Loin d’une célébration de Nöel dans le manteau ouateux d’une introspection méditative, le jeune chef met d’emblée le curseur très haut et nous livre une lecture éclatante de jeunesse, avec des accents triomphaux. Il donne corps à la célébration du miracle de la nativité accueilli avec allégresse et engouement.
Dès les premières mesures, on est en effet impressionné par la précision et l’engagement du jeune chef. Sa direction alerte, vive, ardente, séduit d’emblée. Il met en exergue toute la tension exclamative de l’œuvre, dans des sonorités pleines d’allant. Toute l’essence de la musique de Bach est ici magnifiée tant dans ses jaillissements exaltants que dans ses moments de recueillement introspectif mais jamais sombres. Valentin Tournet dirige d’une main de maître et avec un aplomb sans égal cette partition qu’il semble connaître sur le bout des doigts. Les musiciens paraîssent galvanisés par cette jeunesse irradiante d’énergie et d’envie. La jeune formation possède une cohésion exemplaire alliée à une large palette expressive. La musique se déploie avec vaillance mais se distille aussi à pas feutrés, avec douceur, notamment dans les parties des solistes comme le « Quia fecit mihi magna ». Soulignons également la vélocité expressive des chœurs. Attentifs, précis, engagés, ceux-ci n’appellent que des éloges notamment dans le « Höchster, schau in Gnaden an » porté avec force et conviction.
Dans cette énergie communicative, les solistes livrent un beau chant, tirant argument de leurs qualités respectives sur le même mode que la direction de leur chef, à la fois fougueux et noble. Marie Perbost qui ne semble pas toujours être à l’aise avec la prosodie allemande, se distingue par de claires harmoniques et distille ses aigus avec aisance. L’autre soprano, Hana Blazikova, fait preuve de vaillance dans les parties les plus rapides, et semble être portée par la direction enlevée du jeune chef. Eva Zaïcik, offre toute la richesse d’une voix délicatement sombre qu’elle sait colorer à l’envie. Ensemble les trois voix féminines constituent un trio d’une belle complémentarité dans le « Suscepit Israël » où leurs voix, élégiaques, s’épousent à merveille. Vaillant est aussi un qualificatif qui sied à merveille au ténor Thomas Hobbs à la voix puissante et riche qui donne force et conviction à chaque phrase musicale, à chaque articulation. La basse Stephan MacLeod déploie un registre grave d’une grande souplesse qui donne à son inteprétation une douceur et une délicatesse qui se marie à merveille avec les voix féminines lors de ses duos avec ces dernières.
L’enthousiasme que la jeunesse de cet enregistrement prometteur nourrit l’éloquente ferveur de Bach. Un premier disque enthousiasmant qu’on ne se lasse pas d’écouter et qui impose Valentin Tournet comme l’une des figures à suivre de la musique baroque.