Mirella Freni, l’éternelle Mimì et l’une des cantatrices favorites d’Herbert von Karajan qui lui fit enregistrer La Bohème, Madama Butterfly, Otello, Don Carlo, le Requiem de Verdi et Carmen, nous a quittés le dimanche 9 février 2020. Née à Modène, comme le ténor Luciano Pavarotti, elle fut non seulement sa grande amie et sa partenaire sur scène de nombreuses fois , mais aussi sa sœur de lait car les deux mamans des futurs artistes qui travaillaient dans la même usine de tabac, ne pouvant pas les allaiter, eurent recours à la même nourrice .
C’est donc l’occasion pour rappeler ici le superbe ouvrage que Micaela Magiera, fille de la soprano et de son premier mari, le pianiste et chef d’orchestre, Leone Magiera, consacre à ses parents, sans oublier de parler de Luciano Pavarotti qui eut une place importante dans la vie du couple.
L’ouvrage s’ouvre sur l’évocation des deux familles de Micaela Magiera : sa famille paternelle, les Magiera, propriétaires terriens de la haute bourgeoisie modénaise et dont les hommes se sont tous engagés dans la vie publique et la famille maternelle ; les Fregni (véritable nom de Mirella) d’origine plus modeste mais apparentée à celle des comtes Arcelli. L’auteur raconte ensuite la période de la Seconde Guerre mondiale telle qu’elle a été vécue à Modène, et la jeunesse des deux futurs époux.
Puis suit le récit des moments importants de leur vie et de leur carrière respectives. Pour Mirella Freni, ses débuts au Teatro Comunale de sa ville natale dans Carmen (3 février 1955, avec Salvatore Puma et Anselmo Colzani) suivis du mariage avec Leone Magiera célébré le 20 juin 1955 et de la naissance de leur fille, nommée Micaela, comme son premier rôle, le 6 janvier 1956. Peu après, la soprano est appelée à remplacer in extremis Victoria de los Angeles, souffrante, dans une Bohème montée au Teatro Duse de Bologne. Elle reprend le rôle à Modène mais l’impresario Bertazzoni part avec la caisse et les chanteurs ne sont pas payés entre le premier et le second acte, comme c’est l’usage. Pour éviter la débâcle, le Préfet de Police intervient et la représentation peut miraculeusement se terminer. En 1959, la jeune soprano part pour une nouvelle Carmen à Palerme, aux côtés de deux partenaires prestigieux, Giulietta Simionato et Franco Corelli.
De son coté, Luciano Pavarotti débute le 29 avril 1961 dans La Bohème, à Reggio Emilia et retrouvera Mirella Freni dans cette même œuvre à la Scala de Milan, en avril 1965, puis, un peu plus tard, au nouveau Metropolitan Opera de New York.
Entre mai et octobre 1961, Mirella apparait dans une production de Falstaff signée par Franco Zeffirelli et dirigée par Carlo Maria Giulini. Onze représentations sont données. Puis vient le récit d’une soirée douloureuse, celle du 7 décembre 1964, où Mirella interprète La Traviata à la Scala de Milan, aux côtés de Renato Cioni et Mario Sereni, sous la direction d’Herbert von Karajan. Dans le public, certains callassiens n’admettent sans doute pas que l’artiste modénaise se risque dans un ouvrage où Maria Callas s’était remarquablement illustrée en 1955. Pourtant celle-ci envoie à sa jeune collègue un gentil télégramme : « Je suis proche de vous (par la pensée) ce soir qui sera triomphal. Je vous embrasse chaleureusement. Maria Callas ». Hélas, les deux contre ré bémol du Gioir à la fin d’ « E strano » ne sont pas parfaits. La réaction – négative – du public du poulailler ne se fait pas attendre. Des spectateurs mécontents attendant la soprano à l’entrée des artistes, et elle renonce à la deuxième représentation, qui sera assurée par Anna Moffo, laquelle arrive de Rome. La Freni renoncera également aux autres représentations prévues alors que la direction de la Scala aurait voulu qu’elle les assure. Après un repos de trois mois, où elle annule ses engagements, elle se rattrapera, le 7 février 1965, toujours dans Traviata, à Covent Garden, sous la direction de Carlo Maria Giulini et dans une mise en scène de Luchino Visconti. Maria Callas, présente à la première, viendra la féliciter.
Le 5 septembre 1964 a lieu la première représentation de Turandot au Bolchoï, dans le cadre de la première tournée de la Scala de Milan dans la capitale soviétique. Nikita Khrouchtchev est littéralement sous la charme de la jeune esclave, dont on parle plus que des autres artistes, et la télévision soviétique ne manque pas de le signaler. Après Turandot, viendra une Bohème dirigée par Karajan. Luciano Pavarotti est, quant à lui, engagé comme doublure dans La Bohème et Lucia di Lammermoor qu’il ne chantera pas ; il ne donnera qu’un concert, le 27 septembre 1964.
Le 29 décembre 1967 , au Teatro Comunale de Modène, Mirella Freni sera encore une fois Mimì, et donnera la réplique à son ami Pavarotti, sous la direction de Leone Magiera. Le spectacle sera importé à Sarajevo, dans le cadre d’échanges culturels italo-yougoslaves.
Les chemins de Mirella Freni et Leone Magiera divergeront mais leur fille se fait discrète sur le sujet. A travers le livre, on comprend le rôle non négligeable qu’Adua Veroni a eu dans le développement de la carrière de Luciano Pavarotti, dont elle fut la première épouse et avec qui elle eut trois enfants, et le rôle parallèle qu’eut Leone Magiera dans la carrière de son épouse. Le magnifique livre de leur fille est enrichi de très nombreuses photographies, souvent inédites, et de nombreuses notes fort utiles concernant les partenaires de sa mère.
Ouvrage de grande valeur, écrit dans un style fort agréable à lire, et fourmillant d’anecdotes, c’est un livre essentiel pour qui veut connaître la première partie de la vie d’une artiste marquante du XXe siècle, tout comme les débuts de Luciano Pavarotti. Avec Leone Magiera, ils constituent les trois personnalités marquantes de la ville émilienne.
L’éditeur modénais Artestampa a également publié une version en langue anglaise de cet ouvrage (The Girl under the Piano) qui le rendra accessible à un plus large public.
La bambina sotto il pianoforte
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Livre
8 mars 2020
L’éternelle Mimì
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La bambina sotto il pianoforte
Storie d’amore e di musica nella Modena di Mirella Freni, Leone Magiera e Luciano Pavarotti
Micaela Magiera
Artestampa
Juin 2018, 230 pages
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