Il est souvent des albums qui rendent nostalgique. On y retrouve un artiste qu’on affectionne et que l’on suit, mais où celui-ci ne semble plus être en mesure de s’exprimer pleinement. Le dernier enregistrement de la chanteuse et compositrice américaine Meredith Monk fait partie de ceux-là.
La France est souvent prompte à bouder ce qui ne correspond pas à une conception très restrictive de la nouvelle musique : pour être compositeur, il faut être sérieux, avoir du métier, un projet quasi-scientifique et surtout un soutien institutionnel important. Ajoutons à cela que dans les années 1960, il valait mieux être un homme. Avec de tels prérequis, il n’est pas très étonnant d’apprendre que ce n’est pas dans l’hexagone que Meredith Monk fit carrière. Très influencée par le minimalisme, la performance et l’art conceptuel, la chanteuse s’écarte volontiers des sentiers battus de son époque. Explorant tout un panel de techniques vocales encore inhabituelles en musique classique, elle rejeta peu à peu le concept même de partition, se fiant à la seule transmission orale pour la pérennité de sa musique.
Dans cet album intitulé Memory Game, Monk propose avant tout une recompilation de titres préexistants. Ceux-ci sont arrangés pour les musiciens du festival Bang on a can, et ces arrangements ne sont hélas pas toujours une franche réussite (on pense surtout à l’ouverture « Spaceship », pleine d’unissons assez vilains et de choix instrumentaux sans intérêt). On retrouve les thèmes chers à Monk : la mémoire (« Memory Song »), l’urgence climatique (« Migration »), et une certaine forme de spiritualité cosmique. Du haut de ses 77 ans, la chanteuse est bien présente au micro, mais elle se voit souvent obligée de le confier à son ensemble vocal.
Mais la frustration que génère l’album est d’ordre plus général. D’un style bien plus convenu, il semble être davantage le produit d’un arrangeur qui voulait bien faire et d’une société de production qui ne voulait pas que l’aventure s’arrête ici, que réellement de la compositrice. On ne retrouve ni les explorations pionnières de Songs from the Hill, ni la force spirituelle de Dolmen Music, ou même de son opéra Atlas. On regrette particulièrement qu’il faille se dire au revoir, au son d’un album un peu réchauffé, et où la patte artistique de l’artiste semble déjà s’effacer.