A l’occasion de son 40e anniversaire, le label Orfeo publie un coffret de 6 opéras présentés comme rares, rassemblés par la seule cohérence de la disponibilité dans les cartons de la firme et remasterisés. Loin de nous l’idée de jeter la pierre au studio dont le travail de documentation est plus que nécessaire. A tout le moins cet assemblage permet de vérifier l’adage concernant les raretés du répertoire lyrique : certaines ne le sont pas sans raisons, d’autres mériteraient de bien plus certaines lumières, surtout au regard des honneurs parfois indus dont certaines consœurs peuvent jouir sur nos scènes ou dans nos salles de concert.
Ainsi on écoutera sûrement une fois seulement le Don Giovanni de Giuseppe Gazzaniga, aimable musique servie par un distribution appropriée en 1990 à Munich. L’œuvre, créée six mois avant le Don Giovanni passé à la postérité, met surtout en valeur le génie de Mozart et Da Ponte. De même, la pauvre Armida de Dvořák, ici très bien défendue par Gerd Albrecht en 1995 avec une distribution de haut vol, vient confirmer l’analyse musicologique qu’en faisait notre confrère Bruno Peeters. Trois ans après la création de Rusalka, Dvořák se prend les pieds dans le tapis de la fresque héroïque et compose une musique fade et pompière.
A cheval entre les redécouvertes et les curiosités, on écoute avec plaisir Djamileh de Bizet et La Bohème de Leoncavallo. Les œuvres ne sonnent pas tout à fait étrangères à nos oreilles, quand bien même la première est éclipsée à raison par Carmen ou même les Pêcheurs de Perles et la seconde par le chef-d’œuvre éponyme de Puccini. Dans l’une comme l’autre, Orfeo présente des distributions proches de l’idéal emmenée par Franco Bonisolli et Lucia Popp dans les deux cas. Si elles ne figurent pas dans votre discothèque, elles peuvent justifier l’acquisition de ce coffret.
D’autant que les deux derniers opus retenus par la firme aspirent eux à d’autres honneurs. Thérèse de Massenet (1907), par sa qualité musicale intrinsèque, son efficacité dramatique et sa brièveté mériterait d’être remontée, peut-être couplée avec l’Heure Espagnole qui accompagna les premières représentations de l’œuvre à l’Opéra-Comique en 1911. Agnes Baltsa, Francisco Araiza et George Fortune incarnent avec fougue le trio amoureux pris dans les affres de la Terreur pour cette captation italienne de 1981.
Si vous êtes un habitué des séjours praguois, peut-être avez-vous déjà poussé la porte du Théâtre national pour y entendre Sarka de Zdenek Fibich. Grand bien vous en aura pris ! Si Dvořák échoue dans sa grande tentative héroïque, son compatriote embrase le drame de la femme guerrière dans une partition aux wagnérismes du meilleur effet. Sylvain Cambreling dirige en 1998 une distribution venue à Vienne tout droit de Prague, emmenée avec panache par Dalibor Jenis et Eva Urbanova.