Les trente ans de l’ensemble La fenice, fêtés en 2020, se conjuguent maintenant au progressif retour à la liberté, au retour des beaux jours, et nous rappellent, outre bien des souvenirs personnels, l’extraordinaire et fructueux parcours de Jean Tubéry, le cornettiste et découvreur de tant de musiques. Plus de cent CD ont été enregistrés depuis 1990, couvrant pratiquement tous les domaines de la musique baroque du continent.
Comment trouver un meilleur choix pour saluer ce renouveau tant attendu que leur dernier enregistrement « Natura amorosa », sorti il y a quelques mois déjà ? La fenice visite ou revisite un répertoire parcourant la Renaissance et le premier baroque. La littérature musicale du temps abonde en évocations champêtres, où les chants d’oiseaux sont légion. Si la plupart des pièces retenues et organisées sont bien connues et souvent illustrées au disque, cette approche personnelle leur confère une nouvelle jeunesse, une fraîcheur réjouissantes. Non justifiée pour les chansons comme pour le répertoire de frottoles et de madrigaux, l’exécution a cappella des pièces vocales – héritage de la renaissance palestrinienne du XIXe siècle – engendre trop souvent une certaine monotonie, également contraire à leur esprit. Ici, l’écueil est surmonté magistralement. Ainsi, le célébrissime Chant des oiseaux, de Janequin, choisit-il la variété et le renouvellement des interprètes au fil des couplets. Cette approche, légitime, est ravissante. Le concert des oiseaux, vocal et instrumental, a-t-il été mieux illustré ? Les couleurs, les timbres de chacun des intervenants, y compris de la registration du positif, sont un constant bonheur. Le célèbre madrigal d’Arcadelt « Il bianco e dolce Cigno » supporte fort bien le même traitement. Avant que le rossignol de Jacob Van Eyck nous offre son chant varié – que l’on retrouve plus loin dans une transcription parisienne pour clavecin – la pièce mélancolique de Jean de Castro est d’un bel effet. Le mixage de chants d’oiseaux bien contemporains ajoute une note qui serait bienvenue si son usage n’était systématique. La séduction de « Dolcissimo uscignolo » de Monteverdi, paré de nouveaux atours, est incontestable. Les voix s’accordent idéalement, comme le concert instrumental qui les supplée. Monteverdi sera illustré avec le même bonheur à quatre reprises, dont le Zefiro torna (la ciacona) sur lequel s’achève l’enregistrement. Des pièces vocales et instrumentales de figures moins connues (Riccio, Merula,Quagliati, Pesenti…) renouvellent le propos. On retiendra particulièrement la canzon La gallina, où le cornet s’en donne à cœur joie. Le rare Paolo Quagliati est remarquablement représenté par deux œuvres, dont le séduisant madrigal Vedi l’Alba bella Clori. Le chant jubilatoire et virtuose de Fanie Antonelou, Saskia Salembier et de Nicolas Achten ainsi que de Jean Tubéry participe à la réussite. Vingt et une pièces variées à l’envi qui réjouissent, tant par leur choix que par leur réalisation, exemplaire. Le livret, richement illustré, comporte les textes et leur traduction française.