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Les dix plus beaux « je t’aime » de l’opéra

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Actualité
14 février 2022
Les dix plus beaux « je t’aime » de l’opéra

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La fête de la Saint-Valentin nous invite à recenser les dix plus belles déclarations d’amour en français de l’opéra – et de l’opérette car s’aimer légèrement n’est-il pas plus encore délicieux ?


Giacomo Meyerbeer, Les Huguenots (1836)

Il y a certes le « je t’aime » (à 5′ dans l’extrait ci-dessous) lâché dans un soupir par Valentine à bout d’argument pour retenir Raoul, promis à une mort certaine s’il part secourir ses frères protestants. Il y a aussi le court silence qui précède l’aveu, encore plus éloquent, puis la cavatine qui s’ensuit où le ténor, ivre d’amour, répète à l’envi « tu l’as dit » comme pour se convaincre qu’il ne rêve pas. Loin des conventions formelles de l’époque, la musique épouse la fièvre, contagieuse, des sentiments. Berlioz en saluait à juste titre « la hardiesse ». [Christophe Rizoud]

Charles Gounod, Faust (1859)

C’est dans l’agitation populaire d’une kermesse, sur un rythme de valse – anachronique au 15e siècle en Allemagne  – que Faust rencontre Marguerite. Soudain, l’orchestre suspend son tourbillon. Par un procédé cinématographique avant l’heure, la musique ouvre une parenthèse dans la liesse chorale pour zoomer sur le couple formé par les deux jeunes gens. Il lui propose son bras, elle refuse modestement. Ce refus de la soprano ne fait qu’attiser le désir du ténor qui se traduit alors par un « je t’aime » dressé sur un Si aigu supposé pianissimo. La suggestion érotique de cette note se passe de commentaires. [Christophe Rizoud]

Jacques Offenbach, Barbe-Bleue (1866)

Avant que les choses ne tournent vinaigre, Barbe-Bleue  s’ouvre sur une scène idyllique entre le berger Saphir et Fleurette. Je t’aime, il m’aime, nous nous aimons, etc. Les sentiments sont frais à défaut d’être grands, et il faudra bien des détours pour qu’ils trouvent une heureuse issue. Jennifer Courcier est ici la plus adorable des Fleurette. [Sylvain Fort]

Giuseppe Verdi, Don Carlos (1867)

Acte II de Don Carlos : la reine restée seule, Carlos peut l’approcher. Débordements d’affection. Effusions. Consolations. Tendres échanges. La parole de transgression absolue n’a pas encore été lâchée. Il y faut un ébranlement soudain. Une concussion de tout l’être. Après les mièvreries, la voici, cette violence, cette parole : « Je t’aime » (à partir de 8’24). L’aveu est payé d’une violence plus grande encore. Elisabeth darde ses flèches (et une bonne gifle, dans notre extrait). C’est peut-être le « Je t’aime » le moins bien accueilli de toute l’histoire de l’opéra.  [Sylvain Fort]

Georges Bizet, Carmen (1875)

La déclaration d’amour de Don José à Carmen n’est pas qu’un merveilleux moment de poésie : c’est aussi un creuset d’effets assez inouïs, la musique suivant au moindre détail les élans du cœur de notre soldat navarrais. Après lui avoir fait exposer ses sentiments dans une aria d’une étonnante fluidité structurelle, Bizet offre à Don José deux gestes musicaux encore plus saisissants : une montée au si bémol aigu pianissimo sur son aveu d’aliénation (« … et j’étais une chose à toi ! »), puis un brouillage harmonique assez sidérant au moment du « je t’aime » final, tenu comme en apesanteur sur cette brève dissolution de la tonalité… Du très grand art ! [Jean-Jacques Groleau]

Camille Saint-Saëns, Samson et Dalila (1877)

Le passage du Livre des Juges est bien connu. Les Philistins ont demandé à Dalila : – « Séduis Samson : vois en quoi réside sa grande force et comment on peut triompher de lui. Alors nous le ligoterons pour le maîtriser, et nous te donnerons chacun onze cents pièces d’argent ». –« Comment peux-tu me dire : “Je t’aime”, alors que tu ne m’ouvres pas ton cœur ! Voici trois fois que tu te joues de moi. Tu ne m’as pas révélé d’où vient ta grande force ! ». Tous les jours, elle le harcelait, répétant les mêmes paroles. Samson, excédé à en mourir, lui ouvrit tout son cœur. Il lui dit : « Le rasoir n’a jamais passé sur ma tête, car je suis voué à Dieu depuis le sein de ma mère. Si j’étais rasé, je perdrais toute ma vigueur, et je serais comme n’importe quel homme ». Le « je t’aime » de l’opéra de Saint-Saëns sonne comme un arrêt de mort. En formulant son amour, c’est sa vie que livre Samson. Perchée sur Jon Vickers, dont la posture tient plus du malade à l’agonie que du guerrier vaillant, Shirley Verrett arrache l’aveu ultime. Lorsque sa réciprocité est entravée, l’amour semble bien indissociable de la faiblesse, de la manipulation, de la mort.  [Maxime de Brogniez]

Jules Massenet, Werther (1892)

Si tout le monde attend le grand air du ténor « Pourquoi me réveiller ? », on oublie un peu vite le duo fiévreux qui suit où Charlotte vacille. En 2010 à l’Opéra Bastille, sous la baguette experte de Michel Plasson, les spectateurs frémissaient du souffle aussi torride que sensuel provoqué par la rencontre entre Sophie Koch et Jonas Kaufmann. Ce dernier nous gratifiait de trois « je t’aime » à signer tout de suite le contrat de mariage ! [Yannick Boussaert]

Claude Debussy, Pelléas et Mélisande (1902)

Des « je t’aime » à l’opéra, il y en a dans tous les extrêmes. Les compositeurs se plaisent souvent à étirer ces trois petits mots à l’envi, versant (parfois) dans le sirupeux, le languissant ou le frénétique. Finalement, les solutions les plus simples sont parfois les meilleures, et c’est ce que laisse entendre le quatrième acte de Pelléas, ou l’aveu du rôle-titre est formulé avec une simplicité désarmante. Car il n’y a pas besoin de coup de cymbales ou de glissando de harpe pour se le dire : le silence à l’orchestre et une prosodie plus sincère que nature disent tout le drame d’un couple qui n’aura que dix minutes pour s’aimer vraiment. [Alexandre Jamar]

 Franz Lehár, La Veuve joyeuse (1905)

Entre deux amants qui ne peuvent – ou ne veulent – se dire leur amour, il est des moments où la sincérité s’impose. Moments suspendus, moments comme en dehors du monde, moments où plus rien n’existe, n’était l’unité qui résulte d’une harmonie heureuse. C’est l’heure exquise. Lorsque Missia (ici, Mady Mesplé) s’avance – elle porte le deuil comme personne –, tout se fige. Chaque tablée est comme un monde étranger et hermétique, un monde où rien n’a vraiment d’importance. Et la valse de sublimer ces monades sur un même rythme en trois temps où la fusion des corps qui tournent renvoie à des tourbillons de sentiments et à une profonde égalité des êtres qui abîment leurs singularités (verticales) au profit d’une unité (horizontale) : « Brebis prends bien garde au loup. Le gazon glisse et l’air est doux. Et la brebis vous dit : Je t’aime, Loup ! ». [Maxime de Brogniez]

Oscar Straus, Trois Valses (1935)

Un concentré de désuétude… Un « Je t’aime quand même » que je range à la rubrique « Goûts inavouables et plaisirs coupables » à condition qu’il soit chanté par Yvonne Printemps. Que voulez-vous, j’ai toujours aimé Miss Printemps, ce timbre, comment dit-on ? exquis, cette manière de phraser, ce legato sans fin, ces portamenti sans doute intempestifs, ce charme… Divette Arts-Déco, épouse de Sacha Guitry (autre goût incongru, un peu moins) puis de Pierre Fresnay (auquel elle menait la vie dure, paraît-il), on la disait d’un caractère beaucoup moins charmant. Qu’importe… Il y a là un art du chant, sans doute perdu. À un âge où j’aurais dû aimer autre chose (que j’aimais aussi d’ailleurs), je l’aimais quand même… [Charles Sigel]

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