L’an dernier, la programmation du Grand Théâtre de Genève s’inscrivait sous le titre « Faites l’amour… » (sous-entendu « …pas la guerre »).
L’axe majeur de la saison 2022-23 sera « Mondes en migration », illustré par de très belles images de Paolo Pellegrin qui en seront la ligne graphique. Et dont Aviel Cahn, directeur du GTG, dit qu’elles savent voir une « beauté épique dans la cruauté de ce monde », en ajoutant qu’on pourrait le dire aussi de l’opéra.
Le programme, présenté le 4 mai, est plutôt alléchant. Et on ne peut que remarquer la cohérence du dessein d’Aviel Cahn, qui se déploie sur plusieurs saisons et affiche sa fidélité à nombre d’artistes.
On pourrait évoquer la programmation du Ballet du GTG, que prend en mains Sidi Larbi Cherkaoui, et inscrite dans la même inspiration. On se bordera à égrener celle des opéras. L’exil, la violence, l’ostracisme en seront décidément les thèmes lancinants, mis en scène par des créateurs contemporains, ne prenant certes pas les choses à la légère…
– La Juive d’Halévy, dirigé par Marc Minkowski, poursuite d’un cycle Grand opéra commencé avec les Huguenots il y a deux saisons (avec Ruzan Mantashyan, très admirée en Natacha de Guerre et Paix l’an dernier, et John Osborn) ;
– Katia Kabanova, suite d’un cycle Janáček avec Corinne Winters, qu’on vient d’admirer dans Jenufa (mise en scène de Tatjana Gürbaca à nouveau) ;
– Maria Stuarda, avec la même équipe que pour Anna Bolena cette saison (d’Oustrac, Dreisig, Stefano Montanari au pupitre et Mariame Clément à la mise en scène), deuxième item d’une trilogie Tudor/Donizetti qui s’achèvera l’an prochain avec Roberto Devereux ;
– Parsifal, avec Daniel Johansson dans le rôle-titre (qui fut le Pierre Bezoukhov de Guerre et Paix), le premier Amfortas de Christopher Maltman, et la Kundry de Tanja Ariane Baumgartner, qui fut ici Klytemnestra, mise en scène de Michael Thalheimer présentée comme « expressive et minimaliste » illustrant « les adieux au monde de la confrérie du Graal » ;
– Il Ritorno d’Ulisse in patria, avec Sara Mingardo en Penelope et le grand Mark Padmore en Ulisse, Fabio Biondi dirigera son Europa Galante, mise en scène qu’on annonce décoiffante du collectif FC Bergman, réunissant « le naturalisme mystique de Romeo Castellucci, l’absurdisme mélancolique de Christophe Marthaler, et la dynamique dansante de Pina Bausch » (!) ;
– la création (prévue en 2020 et victime du Covid, alors qu’elle en était au stade de la générale) de Voyage vers l’Espoir, opéra de Christian Jost, inspiré du film de Xavier Koller, racontant l’odyssée d’une famille kurde sur le chemin de l’exil ;
– Lady Macbeth de Mtsensk, « thriller apolyptique d’un amour dans un système post-capitaliste » selon le metteur en scène Calixto Bieito (reprise d’un spectacle créé en 2014 à l’Opéra des Flandres), avec les mêmes interprètes : la Katerina de Ausrine Stundyté et le Serguei de Ladislav Elgr ;
– Nabucco, mis en scène par la Brésilienne Christiane Jatahy, entre fiction et réel, scène et vidéo, production « donnant la parole à ceux qui résistent aujourd’hui aux quatre coins du monde ».
On le voit, avec cette programmation très politique, très inscrite dans le terrible aujourd’hui, Genève n’oublie pas qu’elle est le siège de nombreuses organisations internationales, et notamment du Haut Commissariat aux réfugiés. Et que le monde, autour de ce paisible ilot qu’est la Suisse, penche vers la tragédie et assez peu vers la comédie.
La saison 2022-23 sur le site du GTG