Disque ou manifeste ? J’appartiens à la génération des non-genrés : les photos de couverture et du livret comme la proclamation de l’artiste ne laissent aucun doute sur l’objectif recherché par le jeune Vénézuélien Samuel Mariño, qui signe son premier enregistrement chez Decca.
Bernard Schreuders avait ici même chroniqué le premier CD du « sopraniste » chez Orfeo et avait trouvé bien des qualités au pas encore trentenaire formé aux conservatoires de Caracas et de Paris, même s’il trouvait le matériau vocal a priori léger et les couleurs limitées. Notre collègue dénonçait cependant la formule d’un disque qui aligne sans cohérence programmatique les airs rares, en l’occurrence alors Gluck et Haendel.
On espérait trouver ici un heureux mélange d’airs connus et de raretés : les deux airs de Cimarosa (extraits de deux opéras, Oreste et Les Horaces et des Curiaces) sont même des premières au disque, et les extraits de L’amant anonyme de Joseph Bologne, plus connu comme chevalier de Saint-Georges, ne sont guère plus fréquents.
C’est Barbara Bonney, aux dires mêmes du chanteur, qui l’a incité à aborder Mozart, ici représenté par des airs des Noces, du Roi pasteur, de la Clémence de Titus et de Mithridate. Le jeune Vénézuélien nous dit avoir choisi Mozart parce sa musique est tellement universelle et peut toucher tout le monde (sic). Dont acte. Le disque s’ouvre d’ailleurs avec « Voi che sapete » (Je voulais être le premier soprano masculin à enregistrer cet air). En entendant cet air, continue Samuel Mariño, l’auditeur se demandera : Qu’est-ce donc cela ? Mon objectif est de susciter une réaction du public.
Osera-t-on avouer – oui on le fait ! – qu’en écoutant cette première plage du disque, on a cru un bref instant à un remake de Florence Foster Jenkins. Et puis on s’est dit qu’un musicien, qu’un « accompagnateur » aussi expert qu’Andrea Marcon n’aurait pas cautionné une entreprise aussi calamiteuse. On a donc patiemment écouté le reste du disque.
Ce n’est pas que la voix soit laide, c’est un vrai soprano, capable de pirouettes vocales, qui peuvent peut-être impressionner au concert, mais qui au disque ne parviennent pas à masquer une absence de conception, la banalité des phrasés, une diction plus qu’approximative, n’en jetons plus !
Enchaîner les airs – Mozart, Gluck, Cimarosa, Saint-Georges – sans un tant soit peu caractériser les personnages, les rôles qu’on chante, attirer ici et là l’attention de l’auditeur par des afféteries, des maniérismes, des aigus lancés à la volée, comme un gamin qui s’amuse de ses facilités, dans quel but ? pour quel public ?
Peut-être Samuel Mariño témoigne-t-il sur scène ou en concert d’un éventail de qualités plus confirmé, on le souhaite ! Ici on juge un disque et on doit constater que le ramage ne vaut pas le plumage !