Qu’est-ce que la bonne musique ? Vaste question à laquelle Chabrier apporta sa propre réponse en son temps – « il y a deux espèces de musique, la bonne et la mauvaise. Et puis, il y a la musique d’Ambroise Thomas ». Rangé dans la case cinéma depuis que Yves Robert lui a confié en 1968 la composition de la bande originale d’Alexandre le Bienheureux (en remplacement de Michel Legrand, trop occupé), Vladimir Cosma réagit à son tour : « la bonne musique de films, c’est la bonne musique tout court. Elle se doit d’être populaire et savante ».
Et le compositeur, né à Bucarest en 1940, d’égrener dans ses Mémoires, un chapelet de souvenirs qui s’apparente à une immersion dans le cinéma français de ces cinquante dernières années, du Plus vieux métier du monde (Godard, 1967) au Cours de la vie (Sojcher, 2022) en passent par Le Grand Blond avec une chaussure noire (Robert, 1972) la plus connue de ses partitions peut-être avec son thème obsédant inspiré d’une danse traditionnelle roumaine et joué au naï – une flûte de pan également originaire de Roumanie. La maison de disque de Vladimir Cosma refusa sa diffusion, estimant son style « anticommercial » – la catégorie world music n’existait pas à l’époque. « J’avais eu le tort d’avoir créé un « folklore imaginaire » dont parle Bartók, plus typique que le vrai folklore, sur un rythme de danse villageoise, la sirba, dynamisée en l’accompagnant de triolets par le cymbalum, pour établir une dualité binaire / ternaire », explique celui que l’on aurait tort de prendre pour un simple compositeur de musiquettes.
En témoigne Marius et Fanny, son seul opéra – si l’on excepte Fantomas, un opéra de chambre cité en fin de volume dans une « sélection d’œuvres musicales ». Créé en 2007 à Marseille, l’ouvrage bénéficiait d’une distribution exceptionnelle : Jean-Philippe Lafont, Roberto Alagna et Angela Gheorghiu qui acceptait pour la première – et la dernière ? – fois de chanter dans un opéra contemporain. « L’enthousiasme du public et même des critiques a dépassé mes espérances » se souvient le compositeur avant d’avouer que la « tentation de l’opéra » lui était venue lors du tournage de Diva, auquel il fut étroitement associé et qui lui valut son premier César.
« Pour devenir « compositeur d’opéra » », poursuit Vladimir Cosma, « j’ai procédé comme pour La Boum où je m’étais plongé dans les succès de discothèque et dans un univers qui n’était pas du tout le mien. Cette fois, j’ai pris une année estudiantine pour revoir l’histoire de l’opéra, de son évolution depuis Monteverdi à nos jours ». Cette incursion dans l’univers lyrique, restée à ce jour sans suite, démontre la versatilité du musicien. Lire ses Mémoires aide d’ailleurs, s’il était nécessaire, à réaliser la culture musicale et l’adaptabilité nécessaires au compositeur de musique de films pour à chaque projet cinématographique se plonger dans un univers différent. C’est ainsi que dans l’index en fin d’ouvrage, Bach, Beethoven, Chostakovitch, Puccini, Verdi voisinent avec Julio Iglesias, Duke Ellington et Georges Brassens, en compagnie des plus grands noms du cinéma français.