Avec son Saint-François, Olivier Messiaen occupe une place primordiale dans l’histoire de la musique vocale du XXe siècle ; or malgré cette pierre angulaire aussi imposante qu’incontournable, sa contribution à l’art lyrique sera relativement restreinte. L’héritage de Messiaen a des ramifications dans à peu près toutes les disciplines de la musique. Peu de maîtres instruments ont été privés de leur « chef d’œuvre messianique ». Le présent ouvrage rend un hommage grisant d’exhaustivité à celui qui tint l’une des plus belles places au sein de la tradition musicale française, à celui qui parvint à assumer son indépendance, son originalité, ses pulsions parfois consonantes, tout en étant vénéré des plus intégristes et respecté des rétrogrades.
Héritage vocal
Il suffira de pencher son oreille curieuse, par un soir d’ouverture d’esprit, sur l’enregistrement que Boulez et Pollet gravèrent des Poèmes pour Mi pour se laisser envahir par l’une des œuvres vocales les plus prenantes du répertoire lyrique moderne. L’Opéra de Paris l’a encore récemment prouvé, Saint-François d’Assise est, quant à lui, déjà rentré au répertoire. Joué par les plus grands, malgré une longueur déraisonnable et un sujet qui aurait tendance à faire courir le public dans le mauvais sens. Faut-il que Messiaen ait été un artisan de génie. Harawi, cycle pour voix et piano fascine lui-aussi les musiciens, au point de faire dire à Cédric Tiberghien, en interview, qu’il s’agit d’une de seules œuvres qu’il paierait pour jouer (avis aux programmateurs).
Tous en chœur
Ce sont des générations entières qui se massent ici pour déposer leur témoignage ; Olivier Latry, organiste titulaire des orgues du Sacré Cœur, qui a gravé l’intégrale de l’œuvre d’orgue de Messiaen et la joue par cœur ; exploit d’ordre supranaturel – il suffira d’ouvrir la partition de Chant d’oiseaux du livre d’orgue pour s’en rendre compte – mais aussi le compositeur Gilbert Amy, le bouillonnant René de Obaldia dont l’univers kaléidoscopique, désorganisé et délirant pourrait servir de contrepied à la personnalité même de Messiaen, Boulez –évidemment- qui porte la musique de Messiaen sur ses épaules robustes depuis que la terre est terre, l’incontournable Claude Samuel, l’extraterrestre Pierre-Laurent Aimard et tant d’autres, se massent.
Tous, se penchent sur cet univers d’une complexité redoutable mais dont le rendu sonore est d’une appétence immédiate. On y évoque la foi –omniprésente- du compositeur, son incroyable notion de couleur musicale, on y découvre une documentation abondante sur Saint-François et, bien entendu, on n’oublie pas les oiseaux qui habitent tous les recoins de ses partitions.
Le travail des éditions Symétrie est une nouvelle fois remarquable ; remarquable d’exhaustivité, d’une richesse picturale réjouissante, réunissant les témoignages de tous les bipèdes qui – vivants ou morts – ont ou ont eu quelque chose d’intelligent à dire sur ce merveilleux compositeur. Un ouvrage qui mérite de figurer dans toute bibliothèque qui se respecte.
Lionel ROUART