La technique vocale tout simplement n’est pas un livre censé nous apprendre à chanter. Heureusement. Avec beaucoup de bon sens, son auteur, Hervé Pata, note qu’ « il y a des principes pour tous et une méthode pour chacun. » (p.33). Et l’ouvrage d’explorer ces principes permettant d’aborder le chant aussi bien que la voix parlée, dont l’amélioration de la technique peut être utile aux orateurs de tous poils. A côté de la « théorie », une série d’exercices, détaillés dans le livre et illustrés sur un CD, nous sont proposés. Cet aspect du bouquin intéressera sans doute quelques personnes, ce qui justifie la côte que nous lui attribuons. Pour le reste, force est de constater le faible intérêt de ce « produit » qui connaît quelques ratés.
La prose d’Hervé Pata, à la première personne et sur un ton vaguement humoristique, tombe souvent un peu à plat et est parfois un peu stérile – on se serait bien passé d’un certain nombre d’anecdotes personnelles. Certains sous-chapitres de la troisième partie (« Le rythme ») sont parfaitement oiseux et noircissent du papier pour peu de choses. Ramasser le tout ou développer des concepts simplifiés à la hâte n’eut pas été inutile.
Pour dresser une liste non exhaustive des imprécisions contenues dans ce livre, commençons par considérer l’aspect « typographique » des choses. Il reste certes quelques coquilles qu’une relecture attentive aurait permis de corriger mais le plus ennuyeux n’est pas là. En effet, s’il mentionne sous forme de notes en bas de page les sources de (presque) toutes les citations qu’il fait, l’auteur ne précise jamais la page des livres dont elles proviennent… Une aberration qui va, nous semble-t-il, à l’encontre du bon sens.
Penchons nous le contenu d’un texte qui laisse apparaître quelques lacunes malgré l’intention de ne pas en faire « un recueil de données scientifiques et techniques, dont on pourrait lui reprocher qu’il fût incomplet ou erroné […] » (p.13). Sur le quatrième de couverture, Pata est présenté comme formateur en technique vocale et « compositeur ». Etant donné qu’il n’hésite pas à qualifier d’« imposteur » un certain professeur de chant (p.155), nous nous permettrons d’émettre des doutes profonds sur ses propres compétences en matière de pédagogie musicale. Ainsi, lorsqu’il tente de définir la notion d’octave, Hervé Pata écrit que c’est le « terme musical désignant un intervalle de huit tons » (p. 50). De toute évidence, ce qui se conçoit bien ne s’énonce pas forcément clairement puisque, si nous de doutons pas une seconde que l’auteur de cette sentence ridicule sache exactement ce qu’est une octave, il aurait été mieux inspiré d’écrire que le mot désigne un intervalle de 8 degrés conjoints qui n’ont jamais fait autant de tons ! Un peu plus loin, p.136, on peut lire que les appoggiatures sont « ces notes très brèves placées avant les notes principales ». On peut parfois lire ce genre de définition tronquée dans quelques dictionnaires du début du XIXe siècle, mais on trouve déjà une explication satisfaisante en 1864 dans le Dictionnaire de l’Académie des beaux-arts qui nous indique que « l’appoggiature est une note exclusivement mélodique, étrangère à l’accord qui l’accompagne, placée le plus souvent sur un temps fort ou sur la partie forte d’un temps et précédant, à distance de seconde majeure ou mineure, supérieure ou inférieure, une autre note appelée note principale (1)». Pour être complet et montrer en quoi Pata met son lecteur dans l’erreur, précisons que la notion d’appoggiature, contrairement une idée reçue largement répandue (y compris chez les musiciens et dans certains dictionnaires de vulgarisation), n’a rien à voir avec la durée –puisque rien dans sa définition et sa pratique ne s’oppose à ce qu’elle soit égale ou plus longue que la note principale qu’elle précède, au contraire- ou avec la taille des figures de notes (même si certaines sont effectivement écrites en petits caractères). Qu’elle soit comprise au sens harmonique ou au sens ornemental du terme, l’appoggiature induit l’idée d’accentuation et non de brièveté. Il semble que Pata mette également dans le sac de ces « notes très brèves » les notes dites « de passage » mais la manière dont est tournée la phrase ne permet pas de l’affirmer. Ce serait de toute manière tout aussi incorrect. La préface de Luc Daredare, oto-rhino-laryngologiste, précise que « l’ouvrage […] constitue une précieuse contribution à la compréhension, à l’utilisation, et au développement de l’organe vocal. » Prenons cette phrase comme assurance que les informations concernant cet « organe vocal » sont correctes, ce dont nous ne pouvons juger, n’étant pas médecin. Pas plus que l’auteur, qui a déjà bien du mal avec des notions de base qu’il est censé maîtriser…
Nicolas Derny
(1) Dictionnaire de l’Académie des beaux-arts, Paris, Didot, 1864, p.73