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Maria Callas Lettres d'Amour

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Livre
13 avril 2010
Un amour heureux

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Maria Callas. Lettres d’amour
Renzo Allegri

Paris, Robert Laffont, mars 2010, 272 pages.
Traduction de l’italien par Marina Bettineschi

ISBN 9782221114070

Chaque décennie qui a suivi le décès de Maria Callas en 1977 a été l’occasion de commémorations diverses accompagnées de la sortie de documents plus ou moins inédits, attendus avec frénésie par les admirateurs enamourés de la célèbre diva. Force est de constater que, depuis bien longtemps déjà, plus rien de nouveau, à l’exception de rééditions et de quelques rares images souvent de qualité épouvantable ou sans le son. Le 12 décembre 2007, pourtant, une vente aux enchères contient soixante-trois lettres et de nombreux billets que Callas a envoyés à son époux, Giovanni Battista Meneghini, entre 1947 et 1959. Ces documents avaient été jalousement gardés par leur récipiendaire et ses ayants droit jusqu’ici. C’est à partir de ce fond que le journaliste italien Renzo Allegri a conçu ce livre, sorti dès 2008 en Italie et à présent traduit chez Robert Laffont.

Renzo Allegri commence par dresser un constat terrifiant : tous ses souvenirs ont été dispersés et il ne reste rien de Maria Callas, ni tombe, ni maison, ni musée dédiés à la voix du Siècle. Il est vrai que le siècle est à présent passé, mais comment se résoudre à accepter, quand on vénère cette artiste exceptionnelle, que son souvenir s’estompe peu à peu pour disparaître ? Il n’est qu’à demander aux adolescents s’ils connaissent Maria Callas. L’ignorance abyssale qu’affichent la plupart d’entre eux fait très mal et laisse rêveur devant les capacités d’oubli de notre société de consommation et surtout la rapidité du processus. Mais si Renzo Allegri initie ainsi son ouvrage, c’est qu’il a de quoi clôturer son propos en miroir et une note d’espoir à proposer.
En attendant, en journaliste affirmé rompu à l’art de maintenir son lecteur en haleine, il entreprend de justifier sa démarche : comment il a rencontré Maria Callas, par l’intermédiaire de Giuseppe di Stefano, éternel partenaire de Maria, quels types de relations il a pu entretenir avec elle, comment il est entré en contact avec Meneghini ainsi que les circonstances qui l’ont amenées à écrire deux livres en collaboration avec l’ex-mari de Maria Callas. On aura compris qu’Allegri est du côté de Meneghini, qu’il en est devenu le biographe officiel en charge de réhabiliter un mari, décédé en 1981, qui n’avait rien d’un Adonis, ordinairement vilipendé dans la pléthore d’écrits sur Callas. Il met à mal la légende d’un homme près de ses sous qui aurait utilisé sa découverte en la faisant fructifier et en la laissant sexuellement ronronner jusqu’à ce qu’enfin, l’étincelle Aristote Onassis la voit s’épanouir et devenir femme à part entière. Force est de constater que le journaliste a de quoi étoffer ses propos et que la démarche est sérieuse.

Les nombreuses lettres écrites par Maria à son amoureux Tita sont touchantes et inattendues. Certes, on se dit que Maria manipule, qu’elle a besoin de se rassurer elle-même et qu’elle veut s’aliéner quelqu’un qui serait à la fois son époux, son confident, son agent, bref, le double d’elle-même, l’ombre de son caniche noir… Et quand bien même elle aurait triché, on sent qu’elle est aussi sincère que possible. Après tout, cette période de sa vie correspond à son ascension vocale et à ses plus belles années. Sa voix décline après la rencontre avec Onassis où elle se consacre à une vie mondaine fort peu appropriée au sérieux qui caractérisait son travail et les affres amoureuses pour ne pas dire les humiliations qu’elle connaît n’arrangent rien à l’affaire. C’est en effet Meneghini qui a aidé Callas à ses débuts, l’a porté au firmament et géré apparemment au mieux sa carrière, lui assurant par sa présence paternelle sécurité et confiance, les ingrédients indispensables à la gestion d’une vie aussi incongrue que celle d’une chanteuse de cette teneur. Et ce jusqu’à ce que le bel oiseau prenne son envol et se brûle les ailes et la voix. Pour la biographe Arianna Stassinopoulos, Maria Callas était une femme embryonnaire avec son nabot Meneghini aux ambitions provinciales qui n’a commencé à vivre qu’en 1959, quand elle a découvert l’amour avec Onassis. Cet ouvrage remet les pendules à l’heure et nous présente, lettres d’amour à l’appui, une femme épanouie et heureuse, mais oui, avec Meneghini.
Elle lui écrit dès qu’ils sont séparés et en particulier lors des tournées en Amérique du Sud où Maria voyage seule. On comprend qu’elle ne supporte absolument pas cette solitude imposée. Elle écrit de longues lettres à celui qu’elle a forcé à l’épouser avant de s’absenter sans quoi elle refusait de partir, lui reprochant des missives en retour peu nombreuses et trop courtes à son goût de jeune épousée. On y découvre son credo de chanteuse, sa croyance et ses superstitions, ses principes mais on y apprend aussi les détails d’un quotidien constitué de chambres d’hôtels et de jalousies dans le cadre de la troupe : « Répugnant, ils crèvent d’envie. Le public criait “Solo Aida”, de sorte qu’après dix rappels, j’ai dû sortir seule (à la rage des autres). Ma seule satisfaction » (5 juin 1950, p. 201).
Les amours heureuses n’ont pas d’histoire et le contenu des mots d’amour de Maria est bien redondant. « Je ressens toujours que, plus le temps passe, je me convaincs que tu es on âme parce que tu es le seul qui aies pu me comprendre, qui me comprends et me rends heureuse ! Chéri, je commence à perdre patience. Je ne peux plus rester sans toi. Tu m’es nécessaire. Comme toi, tu le dis, comme l’oxygène de l’air lui-même », écrit-elle le 19 mai 1949 à minuit (p. 145). « L’éloignement me pèse énormément. Et pas seulement pour la raison que l’on pourrait imaginer, c’est-à-dire le besoin physique de mon homme. C’est tout l’ensemble qui me manque. Je ne peux rester sans toi », gémit-elle encore le 25 mai 1950 (p. 196). Mais ce que femme veut… En 1951, Meneghini sacrifie son rôle de chef d’entreprise pour se consacrer entièrement à son épouse. Tout ira bien jusqu’à la fameuse croisière de 1959.
Les lettres sont présentées in extenso et commentées par l’auteur qui retrace la vie et la carrière de Maria. Au terme de sa narration, Renzo Allegri annonce la future création d’un musée dédié à Maria Callas dans le petit bourg de Zevio, à quelques kilomètres de Vérone, où l’artiste avait vécu entre 1949 en 1958 sur la terre des Meneghini. Il semblerait que le projet soit près d’aboutir et qu’on pourra y découvrir des objets personnels (y compris des lettres de Luchino Visconti !) que des collectionneurs sont prêts à céder à ce musée dont on souhaite qu’il puisse voir le jour très prochainement. En attendant, pour tout amateur de Maria, la lecture de ces lettres est une évidence…

Catherine Jordy

 

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Renzo Allegri

Paris, Robert Laffont, mars 2010, 272 pages.
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ISBN 9782221114070

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