Anonymous 4 est aujourd’hui l’un des ensembles spécialisés dans la musique médiévale le plus connu internationalement. Les quatre chanteuses sont célèbres pour leur voix éthérées, leur justesse irréprochable et le sérieux musicologique de leurs interprétations. Force est de constater que, malgré les années qui passent, les qualités vocales des chanteuses restent intactes. Le 18e CD d’Anonymous 4 n’a en effet rien à envier à la fraicheur et la justesse d’expression qui caractérisent les précédents enregistrements discographiques.
La période de Noël approchant, c’est bien sûr autour du thème de la nativité que le répertoire est choisi. Néanmoins, ce CD a la particularité de proposer, en marge du répertoire des Carols anglais du bas Moyen-Âge, cinq chansons harmonisées ou composées aux 19e et 20e siècles (plages 4, 9, 12, 14 et 17). La couleur vocale de l’ensemble change subtilement pour aborder ce répertoire traditionnel américain notamment en raison de la prononciation particulière de l’anglais américain et la façon d’attaquer les notes. Cependant, les inflexions populaires restent très sages et très propres. Une approche plus libre et plus décontractée aurait sans doute été plus convaincante. L’autre originalité de l’album The Cherry Tree réside dans le fait que, pour la première fois à notre connaissance, chacune des chanteuses interprète une pièce en solo. L’une des qualités principales d’Anonymous 4 résidant dans l’équilibre dynamique des voix et le mariage parfait des timbres, il eut été possible d’être déçu par les chanteuses entendues séparément. Tel n’est pas le cas, et c’est avec un grand plaisir que l’on peut apprécier le timbre chaud et le léger vibrato expressif de Jacqueline Horner-Kwiatek dans le « tube » en latin Qui creavit celum (plage 8). La prononciation de l’anglais médiéval est particulièrement appréciable dans la ballade Newell interprétée tout en douceur et en simplicité par Susan Hellauer (plage 5) tandis que Ruth Cunningham témoigne de son expressivité dans Lullay my child dont la mélodie possède le charme propre au mode dorien (plage 11). Les inflexions du chant traditionnel sont rendus avec un grand naturel par Marsha Genensky dans son interprétation solo de The Cherry Tree Carol (plage 14), même si, selon nous, l’ensemble est généralement plus convaincant dans son interprétation des Carols du 15e siècle. Bien que la forme en couplets-refrain de ces chansons soit très répétitive, l’écriture est variée usant généralement de l’homorythmie mais également de passages plus contrapuntiques comme dans Mervele noght Iosep ou encore dans Veni redemptor gencium (plages 6 et 13). Ce répertoire recèle de plus quelques joyaux tout en simplicité tel le Carol Hail mary ful of grace (plage 16) magnifiquement interprété par l’ensemble. Anonymous 4 reste indubitablement une référence dans l’interprétation a capella du répertoire médiéval.
Lars Nova