L’ensemble Stile antico est promis à un bien bel avenir. Constitué exclusivement de jeunes chanteurs britanniques et fonctionnant sans chef de chœur, il témoigne dans ce 5e enregistrement discographique d’une maturité grandissante malgré une moyenne d’âge qui ne doit guère dépasser les 25 ans. Les différentes voix font preuve d’une maitrise vocale parfaite et le son de groupe est saisissant. Stile antico est indubitablement l’un des meilleurs ensembles actuels pour le répertoire de la Renaissance, notamment anglaise.
Au programme de ce dernier CD, des œuvres de Tallis (c. 1505-1585), Byrd (c. 1540-1623) et Sheppard (c. 1515-1558) autour des thèmes de la nativité et de l’avent auxquels s’ajoutent le Magnificat de Robert White (c. 1538-1574) et une œuvre polyphonique à quatre parties, le Audivi vocem de caelo de Taverner (c.1490-1545), ici interprétée uniquement par les voix de femmes. Les chanteurs sont bien familiarisés avec le répertoire polyphonique de la Renaissance anglaise qui leur a déjà valu plusieurs récompenses lors des précédant enregistrements (« diapason d’or », « choc de classica », etc.). La monumentale Missa Puer natus est de Tallis, qui constitue l’œuvre centrale du CD, voit ses différentes parties (le Gloria, le Sanctus et l’Agnus Dei) ponctuées par trois extraordinaires pièces « miniatures » – aucune d’elles ne dépasse les 2’15 – extraites du Gradualia I de Byrd. Ces « instantanés » sont de petits bijoux expressifs et contrapuntiques faisant un large usage de madrigalismes (« peintures sonores » illustrant par la musique les paroles chantées). Elles s’opposent heureusement, de par leur caractère, aux blocs imposant des mouvements de la messe de Tallis. Ces derniers dépassent largement les 8 minutes chacun et représentent un tour de force technique et expressif que l’ensemble relève avec aisance : l’intensité et la direction musicale sont maintenues de bout en bout avec brio. La justesse et l’homogénéité du son restent exemplaires sur l’ensemble du CD et même après 13 minutes de chant a capella, comme pour la pièce de White par exemple, le diapason n’a absolument pas bougé. Les lignes du contrepoint sont toutes parfaitement intelligibles, ce quelle que soit la densité de la texture musicale, et l’ensemble a fait le choix de quelques dissonances de passages originales pour la musica ficta. Il serait possible de poursuivre longuement les éloges. Signalons toutefois que les passages en plain chant, qui alternent fréquemment avec les parties polyphoniques, ne sont pas la spécialité de cet ensemble : la déclamation en est un peu mécanique et le rendu un tantinet monotone selon nous. Mentionnons également le fait que la prononciation est parfois délaissée au profit de l’expressivité. Cependant, à choisir entre les deux, mieux vaut cela plutôt que l’inverse. Avec Stile antico, chaque phrase musicale s’épanouit, chaque changement de caractère est pris en compte et chaque idée musicale est magnifiée. Il n’est qu’à écouter la première plage CD pour s’en convaincre. Le Videte miraculum (« Voyez le miracle ») de Tallis devient un « miracle à écouter ». Encore bravo à Stile antico !
Lars Nova