Werner Güra s’est déjà brillamment illustré dans l’univers du lied, et ses précédents enregistrements consacrés à Schumann, Brahms ou Schubert nous avaient largement convaincu : les qualités poétiques exceptionnelles de ce chanteur, qui s’est également distingué dans les productions mozartiennes de René Jacobs notamment, sont particulièrement à leur avantage dans ce répertoire là.
Par rapport à ses précédents enregistrements, le duo qu’il forme avec Christoph Berner – parce que c’est d’un véritable duo qu’il s’agit – semble en progrès : plus grande cohésion, complicité plus intime, discours plus souple.
La voix de Werner Gura n’est pas exceptionnelle : elle n’est ni particulièrement puissante, ni particulièrement colorée; mais elle ne manque pas non plus de qualités ; une justesse parfaite, une belle homogénéité, beaucoup de souplesse. Elle est surtout conduite par un musicien hors pair, qui sait très exactement ce qu’il fait, et qui livre de ces lieder particulièrement bien choisis de Schubert, une interprétation raffinée et cultivée, dans laquelle le texte est sans cesse à l’avant plan : par la diction, d’abord (on comprend réellement chaque mot) mais aussi par les intentions poétiques, davantage dictées par les inflexions du texte plutôt que par la ligne mélodique.
Parmi les nombreuses qualités qui font un bon chanteur de lieder, et dieu sait qu’ils sont rares, il en est une que Werner Gura cultive peut être sans le savoir, c’est l’humilité, la modestie face à la partition. Bien loin de rechercher les effets, de mettre sa voix ou sa personnalité en avant, il s’efface modestement devant le génie de Schubert, tout en le servant parfaitement.
Christoph Berner s’inscrit dans la même dynamique : il y a d’abord le choix de l’instrument : un pianoforte Rönisch, particulièrement bien réglé, particulièrement bien accordé, et dont le son, approprié à l’ampleur limitée de la voix du chanteur, apporte une touche d’authenticité. Sur le plan de l’interprétation, le pianiste est complètement impliqué dans la démarche du chanteur, qu’ils ont certainement établie ensemble, et participe donc pleinement à la réussite de ce très bel enregistrement.