Nicola Antonio Porpora (1686-1768) est un compositeur que le renouveau baroque semble n’avoir jusqu’ici qu’effleuré. Seuls deux intégrales sont disponibles au disque : Orlando est paru en 2005 chez K.617, tandis que CPO publiait en 1999 Il Gedeone. C’est bien peu sur la cinquantaine d’opéras qu’il composa ; pour les airs séparés, on trouve bien le Porpora Arias de Karina Gauvin (Atma 2009) et quelques morceaux épars dans les récitals de mesdames Genaux et Kermes ou de messieurs Jaroussky et Scholl. Les quelque 130 cantates de Porpora ont eu un peu plus de chance, notamment parce qu’elles exigent des effectifs moins importants : on peut ainsi citer les enregistrements que leur ont consacré Iestyn Davies en 2011 chez Hyperion, et Laura Maria Martorano l’an dernier chez Brilliant.
Le présent disque regroupe cinq cantates pour voix d’alto. Toutes relèvent strictement du genre pastoral, et évoquent les amours comblées ou malheureuses de bergers et de bergères habitant une Arcadie rêvée. Les textes sont parfois d’une naïveté désarmante, surtout celui de Ecco che il primo albore, qui décrit l’existence de l’agnelet qui risque d’être dévoré par un oiseau de proie s’il échappe à la vigilance du pasteur. Malgré sa désinence d’apparence féminine, Aminte est le nom du berger cruel, héros éponyme d’un poème dramatique du Tasse (1581) qui conte l’idylle contrariée du personnage avec la nymphe Sylvie. Aminte apparaît ici dans la cantate Questa dunque è la selva, les autres étant peuplées de Cloris, Philène et autre Tircis.
Ecco che il primo albore figurait également sur le disque que le contre-ténor Artur Stefanowicz a tout récemment consacré à des cantates de Porpora chez Accord. On peut ainsi mesurer tout ce qu’apporte à ce répertoire une voix féminine, à la fois plus chaude et plus vibrante, surtout quand il s’agit d’une chanteuse aussi experte que Marina De Liso, dont c’est étonnamment le premier récital au disque. On a déjà souvent eu l’occasion d’apprécier le talent de la mezzo italienne, essentiellement dans le répertoire baroque, mais également dans la musique du XIXe siècle. On retrouve ici sa virtuosité et ses qualités expressives, tout aussi éloquentes dans la tendresse de D’amor la bella pace que dans les éclats sur lesquels se conclut Questa dunque è la selva. L’ensemble Stile Galante la soutient avec beaucoup d’esprit, notamment avec ces glissandos quasi « country » que s’autorisent les instruments dans la très rustique cantate Ecco che il primo albore. Aussi bien servi, Porpora ne peut que renaître.