Véritable bijou de l’œuvre de Janacek, La petite renarde rusée est l’un des opéras les plus difficiles à monter du répertoire. Mettre en scène les animaux de la forêt nécessite finesse et poésie et la relation entre le monde des bêtes et celui des hommes est particulièrement délicate à assurer. La mise en scène de Laurent Pelly pour le Saito Kinen reprise à Florence est une réussite certes pas complète mais néanmoins satisfaisante. Les animaux sont croqués avec drôlerie, sans gommer la touche de cruauté indissociable du livret. La chorégraphie des insectes n’est pas la mieux réglée qui soit, mais qu’importe. On sera plus réservé sur le monde des humains, dans des costumes très années cinquante sans charme et un décor du café de Pasek accentuant cette actualisation arbitraire d’une action qui du coup ne se situe ni aujourd’hui ni du temps de Janacek. Mais ce plaisant spectacle vaut surtout par la direction de Seiji Ozawa ; le maestro obtient de l’orchestre du Mai musical florentin une éloquence et une lisibilité qui restituent pleinement le grouillement de l’œuvre de Janacek, cet enchainement d’épisodes faits de petites cellules thématiques et rythmiques unifiées dans un somptueux lyrisme panthéiste. Certes, l’orchestre ne peut évidemment rivaliser avec les viennois dont disposait Mackerras au disque, mais il tire son épingle du jeu avec brio. La fosse est évidemment bien aidée par la distribution que domine la prestation émouvante, drôle et tendre, d’Isabel Bayrakdarian, jolie voix doublée d’une présence scénique éclatante. Face à elle, et même si le renard de Lauren Curnow lui offre une réplique sans défaut, le véritable héros de la soirée est le garde-chasse de Quinn Kelsey, à la stature imposante et à l’humanité profonde dont l’attachement pour « oreilles pointues » transpire dans chacune de ses interventions. Les rôles secondaires sont honorables mais parfois, hormis Gustav Belacek, manifestement peu à l’aise avec la prosodie tchèque. Reste, in fine, un spectacle réussi, unifié par l’une des plus grandes baguettes de notre temps, ce qui suffit à recommander chaudement ce DVD.