Pierre Bernac demeure le plus fin connaisseur des mélodies de Poulenc, pour avoir été associé à leur écriture, à la création de la plupart d’entre elles, et pour les avoir chantées avec son ami au piano dans plusieurs centaines de récitals.14 ans après la disparition du compositeur, en 1978, il nous livrait son témoignage. Pas de ces souvenirs qui valorisent autant l’interlocuteur que la personnalité de référence : une somme destinée à servir les interprètes, où le chanteur, le compagnon de vingt-cinq ans, dédicataire de nombreuses mélodies, rapporte avec simplicité et humilité son merveilleux savoir. C’est ce guide indispensable qui est aujourd’hui heureusement réédité.
La biographie sur laquelle s’ouvre l’ouvrage, pour succincte qu’elle soit, dresse un portrait de Poulenc d’une rare vérité, et les anecdotes qu’elle recèle contribuent à sa justesse. Le chapitre suivant (Le compositeur de mélodies) explicite le processus compositionnel de Poulenc, son amour de la poésie, son sens de la prosodie. « Poulenc avait la vocation d’écrire pour la voix ».
Avant d’étudier chacune des 137 mélodies*, Pierre Bernac, avec la même humilité, formule des conseils relatifs à tous les paramètres : qu’il s’agisse de l’usage de la pédale (dont Poulenc déplorait la trop fréquente avarice), du tempo (immuable), de l’expression lyrique et des nuances, des couleurs, les informations données donnent les bonnes clés à l’interprète, chanteur comme pianiste. Sans jamais oublier que « son art est un art de suggestion », le chanteur devra « toujours garder une tenue, une classe qui ne se laisse jamais aller », tout en donnant l’impression d’improviser, « car la musique doit sembler s’échapper spontanément de ses lèvres ou de ses doigts. »
Suivent, groupées par poète, ces mélodies, étudiées une à une, sous l’angle interprétatif, avec les conseils les plus pertinents. Ainsi vont défiler, brièvement présentés, Apollinaire, Eluard, Louise de Vilmorin, Max Jacob et tant d’autres que Poulenc a illustrés avec respect – on pourrait dire « dévotion » – et amour, leur conférant une dimension nouvelle, amplifiée, approfondie.
L’intérêt de cet ouvrage majeur, indispensable à la compréhension, à l’approfondissent de l’univers des mélodies, dépasse le cercle restreint des seuls interprètes : son écriture lui permet de parler à chacun d’entre nous, et de nous faire partager l’intimité des plus belles poésies magnifiées par le génie de Poulenc.
Ouvrage pratique aussi, pourvu du catalogue des 137 mélodies analysées (avec leur tessiture), d’un index des titres et des incipit. Le bonheur, quoi !
• Ne figurent pas certaines œuvres que Pierre Bernac ne considère pas comme des « mélodies », ainsi Toréador, Vocalise, les Quatre chansons pour enfants, les Huit chansons polonaises, Fancy et Colloque.