Quand se rencontrent le bicentenaire de la naissance d’un des plus grands compositeurs du répertoire, une démarche éditoriale originale et la légitime volonté de rayonnement d’une formation symphonique majeure du paysage français, cela donne ce livre-disque consacré à Wagner, publié par Actes Sud en partenariat avec l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine (ONBA).
Il faut, à l’évidence, saluer la démarche.
Elle inaugure une collaboration entre l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine et Actes Sud, qui doit donner lieu, à chaque fois sous la forme de disques-livres, à la publication de plusieurs concerts live de l’ONBA, consacrés aux principaux compositeurs du répertoire.
Le produit en est, d’abord, un objet agréable à manipuler et à parcourir. Le concept de livre-disque n’est pas nouveau en soi, il a même plutôt tendance à se développer. En ces temps de dématérialisation effrénée des supports, on saluera donc cette initiative qui vise à ne pas rompre définitivement le lien entre le contenu et le contenant, surtout quand le second vient, comme c’est le cas ici, éclairer pertinemment le premier. Cela prend la forme de courts textes destinés à familiariser l’auditeur avec le compositeur et les interprètes, agrémentés, pour ces derniers, d’une série de photos – plutôt réussies – les montrant à l’œuvre.
S’agissant des textes, ils s’adressent clairement à un public néophyte. On trouve ici les repères essentiels permettant d’aborder le répertoire wagnérien. Le wagnérolâtre patenté ayant son rond de serviette à la cantine du Festpielhaus n’apprendra rien qu’il ne sache déjà. Quant aux photos des musiciens, prises sur le vif, elles ont pour effet d’humaniser l’enregistrement en montrant qu’un orchestre n’est pas une entité abstraite et désincarnée, mais un rassemblement de femmes et d’hommes qu’anime un même projet artistique. Elles rappellent, et c’est salutaire, que tout enregistrement est le résultat d’une démarche artisanale (au sens le plus noble du terme) et non un produit aseptisé.
S’agissant du contenu, il propose quelques-uns des plus fameux « tubes » wagnériens : trois pages orchestrales (ouverture et bacchanale de Tannhäuser, prélude de Tristan et Isolde, marche funèbre du Crépuscule des Dieux) et trois pages vocales (air d’entrée d’Elisabeth, mort d’Isolde, Immolation de Brünnhilde).
L’ONBA se tire plus qu’honorablement de l’exercice. Grâce à la direction fluide de son chef Paul Daniel, très attentif aux climats (immolation), il offre de ces pages, parfois indigestes à force de lourdeur, une lecture claire et aérée qui s’écoute avec plaisir. De par ses qualités intrinsèques, l’ONBA ne peut à l’évidence prétendre se hisser à la hauteur des plus prestigieuses phalanges internationales, mais dans ce répertoire exigeant il ne déchoit pas, loin s’en faut, et séduit par sa cohésion et son engagement.
Quant à Heidi Melton, habituée des scènes lyriques, solide de voix, elle offre des interprétations convaincantes de ses trois airs, et notamment de l’immolation de Brünnhilde, dont elle restitue magnifiquement la douleur rentrée et l’emportement final.
Au total, ce livre-disque constitue une porte d’entrée séduisante dans l’univers wagnérien (même si, c’est entendu, il en existe d’autres, sans doute plus prestigieuses), en même temps qu’il met en lumière une formation orchestrale qui souhaite rayonner et, à l’évidence, s’en donne les moyens. Souhaitons une postérité fructueuse à cette nouvelle collaboration !