Les ouvrages lyriques de Rameau font plus que jamais l’objet de nombreuses productions, scéniques ou en version de concert. Les enregistrements se multiplient. Or, singulièrement, bien que constituant un « bagage plus léger » que les dizaines d’actes de musique dramatique, l’œuvre pour clavecin et la musique de chambre semblent sous estimés en cet anniversaire.
Le présent enregistrement, qui marque également les 20 ans d’Amarillis, est donc bienvenu. Deux des pièces de clavecin en concerts (n°2 et 5) alternent avec deux cantates de chambre, une de style italien, Orphée, l’autre résolument française, le Berger fidèle. Bien que relevant de la première période, elles ne manquent pas d’attraits et préludent bien à la grande production lyrique qui suivra. Celle-ci fera fréquemment appel à des œuvres antérieures, ainsi dans ce programme, L’Agaçante (Zoroastre), le second menuet (Les Fêtes de Polymnie), La Cupis (Le Temple de la Gloire).
Rompues aux subtilités de la musique baroque, française en particulier, les musiciennes conduites par Héloïse Gaillard nous ravissent dans ces pièces dont la palette expressive variée leur permet d’aller de la rêverie élégiaque à la vigueur du propos.
Mathias Vidal confirme ses remarquables qualités : une ligne vocale dont le soutien et l’ornementation ne contrarient pas l’éloquence ni la diction, parfaites, un timbre séduisant, une projection subtilement dosée. Un modèle de style, élégant, raffiné mais aussi vigoureux et clair. Nous tenons là un grand ramiste. Il donne à son Orphée un caractère dramatique évident. La déclamation centrale est exemplaire. Dans Le Berger fidèle, le premier récitatif suivi du premier air prennent une dimension opératique, digne des grandes pages qui succèderont.
La prise de son valorise le hautbois ou la flûte, ainsi que les cordes, aussi regrette-t-on que le clavecin, souvent concertant, soit parfois relégué au second plan. Le livret, bilingue, comporte les textes chantés.
L’ensemble Amarillis signe ici une remarquable réalisation. Lorsqu’on écoute l’air plaintif du Berger fidèle « Faut-il qu’Amarillis périsse ? », authentique chef-d’œuvre, la réponse est claire : qu’Amarillis, dans l’éclat de sa jeunesse, nous réserve encore de telles joies !