Angel Blue nous arrive accompagnée d’une réputation déjà flatteuse et d’une belle histoire à l’américaine : l’apprentissage du piano à l’âge de 7 ans, du chant à 8 ans, une première compétition vocale à 9 ans et des études musicales payées grâce aux gains réalisés en participant à … des concours de beauté ! Repérée par Placido Domingo, elle est admise au Young Artists Programme du Los Angeles Opera. Operalia lui attribue son premier prix en 2009 (dans la catégorie zarzuela) et son deuxième prix pour la catégorie opéra. Placido Domingo déclarera voir en elle « la nouvelle Leontyne Price », pas moins. Ce prix prestigieux est complété par une pluie de récompenses aux Etats-Unis, aux libellés ronflants mais moins connus du public européen : Metropolitan Opera National Council Auditions, Dorothy Chandler Pavilion’s Emerging Young Entertainers Award, Redlands Bowl Competition, Los Angeles County Board of Supervisors Achievement Award, A.E.I.O.U Italian Educators Vocal Competition (!)… Il ne manque plus que le happy end et le générique de fin. Ce n’est pourtant que le début de l’histoire, avec ce premier disque enregistré pour son trentième anniversaire et une carrière internationale qui commence à peine : Giulietta des Contes d’Hoffmann à Vienne, Musetta puis Mimi en anglais à Londres pour l’English National Opera. Quelques chanceux auront également pu l’entendre à Paris en mars 2011 au Théâtre du Ranelagh dans le cadre d’un concert Verdi.
Contrairement à la plupart des premiers albums de jeunes artistes, cet enregistrement n’aborde pas les titres les plus éculés du répertoire mais un programme de mélodies accompagnées au piano, choix courageux de la part de l’éditeur mais pas nécessairement le plus à même de nous faire goûter les qualités spécifiques de cette artiste. Leontyne Price ? Pas même dans « Summertime ». Dans les mélodies qui mettent en valeur le haut médium, on croit un peu entendre la voix … de Jessye Norman. Dans celles qui sollicitent une tessiture plus centrale, on pense au timbre … de June Anderson. Impossible en revanche, à moins d’être un de ces experts en beaujolais nouveau capables de repérer la banane et la fraise des bois dans une piquette, de reconnaître les couleurs si uniques de Price. C’est d’ailleurs dans les rares mélodies qui sollicitent l’aigu que le timbre apparait le plus personnel (l’écoute de son « Sempre libera » sur Youtube au Ranelagh démontre que nous avons affaire à une belle voix lyrique au suraigu décomplexé). « Qui trop embrasse, mal étreint » : difficile pour une jeune interprète, à moins d’être surdouée, de servir de manière également talentueuse un répertoire aussi varié et international : le soprano chante en effet en anglais, en français, en russe, en allemand et en espagnol, mais avec des bonheurs divers. La prononciation n’est pas toujours soignée (en français par exemple). Au niveau de l’interprétation, l’ennui pointe à quelques occasions. Dans cet enregistrement, c’est sans doute dans la mélodie de Rachmaninov « Vesenniye vodi », évocation exaltée du printemps, que les qualités de la chanteuse sont le mieux mises en valeur, et aussi, sans surprise, dans les extraits de zarzuelas. Enfin libérée d’une sorte de carcan, la voix éclate de façon spectaculaire dévoilant un réel tempérament scénique.
L’accompagnement de Iain Burnside est idéal dans les mélodies les plus intimistes mais le pianiste peine à se libérer dans les morceaux un peu plus exhibitionnistes.