Le personnage de Sardanapale évoque aux plus érudits d’entre nous, au mieux une pièce de Byron, ou un tableau un peu fantasque et gigantesque d’Eugène Delacroix exposé au Louvres. Bien plus tôt dans l’histoire de l’art, ce dernier roi d’Assyrie qui périt immolé corps et biens dans un bûcher, inspira au compositeur allemand Christian Ludwig Boxberg une œuvre de grande ampleur que l’opéra de Stuttgart s’est plu à ressusciter, et dont Pan Classics nous livre ici l’enregistrement.
Mais qui est ce Boxberg dont personne n’a jamais entendu parler ? Né à Sonderhausen en 1670, fils d’organiste, il se forma à Saint Thomas de Leipzig où il fit également ses débuts de chanteur, mais aussi de librettiste. Il fut principalement compositeur d’opéras et d’oratorios et ses œuvres furent jouées à Leipzig, Wolfenbüttel, Cassel et Ansbach. Il termina sa carrière comme maître de chapelle à l’église Saints Pierre et Paul de Görlitz où il mourut en 1729. Sardanapalus est son seul opéra conservé (grâce à une copie retrouvée à Ansbach), le reste de son œuvre scénique semble définitivement perdu.
Historiquement, un opéra en langue allemande de cette période (entre Schütz et Bach) est en soi une rareté, à côté des fastes de l’opéra baroque français et du charme des opéras italiens de la même époque.
Si tout cela éveille la curiosité, ce n’en fait pas pour autant une bonne œuvre, et l’auditeur qui passera deux heures trois quarts en compagnie de cette musique un peu ingrate ne sera guère récompensé que par deux ou trois moments où la partition s’anime un peu. Les éléments les plus spectaculaires du livret (quelques scènes vraiment dramatiques, d’autres franchement cocasses, à grand renfort de travestissement, jusqu’au bûcher final) ne font pas dévier la partition d’un iota : elle continue son inaltérable alternance de récits et d’airs sans sourciller. Très peu d’ensembles, pas de chœur pour animer la ligne musicale. Les scènes de ballet, empruntées à d’autres compositeurs de la même époque, viennent rompre un instant cette pauvreté d’inspiration, et particulièrement la chaconne finale de Nicola Matteis, du meilleur cru. Assez curieusement pour un enregistrement pris sur le vif, aucune réaction du public n’est perceptible, comme s’il avait, lui aussi, été pris d’ennui et s’était assoupi tout du long !
C’est que l’interprétation, elle non plus, n’est pas irréprochable. Si Jan Kobow s’affirme dans le rôle titre avec une belle souplesse et s’en tire honorablement, si Franz Vitzthum montre une agréable voix de contre ténor assez prometteuse dans le rôle du beau Belochus, on ne peut en dire autant de tous leurs comparses, toutes voix un peu vertes et même parfois franchement ingrates. Difficile de dire, dès lors, quelle part de notre déception revient à l’œuvre et quelle part à l’interprétation, quand ni l’une ni l’autre ne convainquent.
Dans l’immense corpus des œuvre oubliées, certaines ont très justement trouvé leur place ; ne les dérangeons pas, et laissons les dormir en paix.