Mathieu Franot est co-directeur de l’Orchestre des Frivolités Parisiennes, récemment embarqué dans L’Elixir, un opéra participatif jeune public d’après le chef d’œuvre de Donizetti.
Quelles ont été vos priorités en mars 2020, lorsque la vie s’est mise à l’arrêt et que le secteur culturel a commencé à se trouver menacé ?
Penser en priorité aux artistes et à leur bien-être. On avait des contrats à honorer, ce que l’on s’est efforcés de faire. On est malgré tout chanceux en France : grâce aux différents syndicats, nous sommes parvenus à maintenir une activité partielle. Je salue à cet égard l’efficacité de la FEVIS pour les ensembles indépendants.
Il y a toujours de grosses difficultés, mais on à limité la casse : les productions ont été maintenues à 70 % d’effectif minimum, jusqu’à 100 %. Depuis un an, j’ai payé tout ce qui était prévu, même ce qui a été annulé, tous jusqu’aux techniciens bien entendu. Les Frivolités sont une famille. Il y a des liens très forts au sein de l’ensemble, c’est une composante essentielle de la compagnie.
Comment réussir à continuer de se projeter dans le contexte actuel ?
Je pense toujours les projets à échelle de 3-4 ans, je vois à long terme. J’ai besoin de créer et nous avons des subventions pour créer, je dois donc continuer de me projeter, c’est vital.
Nous serons dans l’immédiat à l’Opéra Comique avec Michel Fau début mars.
J’ai aussi été contacté par des théâtres pour disposer de leur plateau, occuper des techniciens et créer. C’est du jamais-vu. Il y a actuellement une disponibilité et une recherche. Le rapport s’est inversé. Cela redessine le paysage de la culture : de nouvelles discussions ont lieu avec les théâtres : comme il n’y a plus « rien », il y a du temps pour créer.
Et c’est cela qui est intéressant : le changement relatif à la temporalité artistique. Notre art s’écoule dans le temps et comme le temps stagne, les cartes sont rebattues. Nous vivons l’instant présent en programmation (contre 4 ans d’avance habituellement ). Maintenant, le champ des possibles est ouvert, et cela demande de s’ancrer dans le temps présent.
Quelles sont vos inquiétudes actuelles ?
Je n’ai pas d’inquiétudes, je reste optimiste et confiant, j’essaie d’anticiper différentes étapes, différents scenarii, à court, moyen et long terme, jusqu’à 3 ans.
Même si je n’aime pas trop voir le public s’habituer aux captations, je lui fais confiance pour être au rendez-vous le jour de la réouverture.
Parlons donc de votre actualité.
On crée notre projet « Cole in Paris » sur Cole Porter au Théâtre de Maisons-Alfort sur la dernière quinzaine de mars, il s’agit d’un projet reporté. Et nous sortons un disque aussi au mois de juin, chez B Records : « Le diable à Paris » ( qui avait été annulé à L’Athénée en décembre).
Comment les musiciens vivent-ils cette période ?
Décembre 2020 a été très dur, la refermeture a porté le coup de grâce. L’optimisme est en train de revenir parce qu’on se voit beaucoup. Belle coïncidence, c’est la plus grosse saison jamais faite ( plus de 80 représentations) et nous sommes parvenus à conserver le fait de nous voir sur tous les projets prévus. Donc, tout le monde va bien le vivre. L’important, c’est de nous retrouver régulièrement.