Clarinettiste bien connu des spectateurs de l’Opéra de Paris, Jean-François Verdier mène parallèlement une carrière de chef d’orchestre, elle aussi placée sous le sceau de l’art lyrique, tout en trouvant le temps d’enseigner au Conservatoire National Supérieur de Paris. Jean-François Verdier sera, à compter de septembre 2008, chef résident de l’Orchestre National de Lyon. En attendant, escale à Rennes, puis à l’Angers-Nantes Opéra, pour une nouvelle production d’ Il Mondo della Luna, de Haydn.
Comment beaucoup d’instrumentistes (surtout des pianistes), vous menez également une carrière de chef d’orchestre. Comment s’est opérée cette mutation ?
C’est très ancien. Je pense qu’il y a plusieurs manières d’aborder le fait d’être chef d’orchestre. Pour les pianistes, par exemple, il s’agit un peu d’un élargissement du clavier. Dans mon cas c’est l’inverse : mon but dès le départ était d’être chef d’orchestre. Mais comme la meilleure façon d’être chef est de savoir comment l’orchestre fonctionne, être instrumentiste était une bonne idée. De fil en aiguille, en travaillant avec des orchestres de plus en plus important, j’ai pu concrétiser mon rêve.
Vous êtes la clarinette solo de l’orchestre de l’Opéra de Paris, et lorsque vous dirigez, il s’agit encore, très souvent, d’opéra…
Oui, chez moi c’est génétique ! Mon grand-père, italien, travaillait à la Scala de Milan dans les années 20, à l’époque de Toscanini, dont il était un fan absolu. Il savait que j’aimais la musique, et me chantait souvent des airs d’opéra. C’est donc un domaine qu’enfant, je connaissais déjà bien. Mais je n’ai été passionné qu’à partir du moment où j’ai entendu Alfredo Kraus dans Werther, à la télévision. C’est alors que j’ai réalisé tout ce que l’opéra signifiait, et que j’ai compris qu’il fallait que j’approfondisse ma connaissance de ce monde-là.
Vous êtes en ce moment à Rennes, puis à Nantes et à Angers, pour Il Mondo della Luna de Haydn, un opéra qu’on connaît mal…
Comme l’ensemble des opéras de Haydn, Il Mondo della Luna est un opéra qui n’a pas eu de chance ! Très fêté pour ses symphonies ou ses quatuors, Haydn n’a jamais été très réputé pour ses opéras, qui étaient des commandes pour le château d’Esterhaza, et avec lesquels il devait subir plusieurs contraintes : peu de temps pour la composition, un nombre assez réduit de chanteurs et d’instrumentistes, dans un cadre lui-même plutôt restreint… C’étaient des productions de poche, jouées pour l’usage privé et quand Mozart a écrit, quelques années plus tard, ses meilleurs opéras, Haydn a compris que sa production lyrique s’effacerait face à celle de Mozart, et face à ses propres symphonies et quatuors… Après sa création en 1777, Il Mondo della Luna a sombré dans un long oubli. Au début de sa carrière, en Italie, Giulini en a dirigé une production, qui n’a pas été un franc-succès… pour Haydn ! Car Toscanini, qui écoutait une retransmission à la radio, a été impressionné par Giulini, et lui a proposé de travailler avec lui : ça a été le début de sa carrière !
Vous étiez déjà venu à Rennes il y a quelques années, et déjà pour un opéra de Haydn : L’Isola disabitata, une production de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris. Dans Il Mondo della Luna, beaucoup de chanteurs sont aussi plutôt jeunes. Vous pensez que ce répertoire convient bien à de jeunes voix ?
Je ne pense pas que cela convienne à ce point à de très jeunes chanteurs, car c’est un répertoire difficile à chanter qui demande, outre un aspect visuel « jeune », une certaine expérience du chant ! L’Isola disabitata était en l’occurrence une production où prendre de jeunes chanteurs pour créer une dynamique était un parti pris (comme pour Il Mondo della Luna). Même le vieux barbon est chanté par un jeune. Je ne suis pas persuadé qu’il y ait de bons ou de mauvais âges pour tel ou tel répertoire. C’est une loi fondamentale du théâtre : on doit croire à ce que l’on voit. Aussi des jeunes peuvent chanter des vieux, et vice versa !
En tant que clarinettiste comme en tant que chef d’orchestre, quels sont vos projets ?
C’est difficile de répondre à cette question car les sollicitations se multiplient du côté de la direction d’orchestre, mais pour autant, je ne souhaite pas renoncer à mon métier de clarinettiste qui me demande également beaucoup de temps. J’aime jouer, j’aime diriger, j’aime enseigner aussi… parmi toutes ces activités, devrais-je un jour en choisir une ? Peut-être, mais pour l’instant, je profite de tout !
Propos recueillis par Clément Taillia