Dimitra Theodossiou est devenue ces dernières années une interprète incontournable en Italie du Bel Canto romantique et de Verdi. Elle nous a reçu dans sa loge au Teatro Municipale Valli di Reggio Emilia à l’issue d’une représentation de Nabucco. Elle est d’une grande disponibilité et semble à peine fatiguée après avoir interprété le rôle écrasant d’Abigaille.
Vous faites vos débuts ici au Festival Verdi, mais vous avez déjà chanté Abigaille…
Oui, ce sont mes débuts ici à Reggio Emilia mais aussi au Festival Verdi… Et je crois que ça s’est très bien passé ! (rires). Mais concernant Abigaille, c’est déjà la cinquième production de Nabucco dans laquelle je chante. Et pourtant je n’ai abordé le rôle que l’année dernière !
Le rôle d’Abigaille a été écrit par Verdi pour la soprano Giuseppina Strepponi, qui en aurait perdu sa voix… Vous semble-t-il dangereux pour votre voix ?
Ca vous paraîtra peut-être un peu stupide dit comme ça, mais je me sens bien dans ce rôle ! Il est difficile bien sûr, je dois toujours être très prudente, chanter avec intelligence, ne pas forcer… mais je prends énormément de plaisir à le chanter. Le moment que je préfère est le duetto entre Abigaille et son père, et c’est, je pense, celui que je réussis le mieux… Le récitatif de la grande aria d’Abigaille est aussi très puissant d’un point de vue émotionnel… et j’adore ça !
Vous chantez beaucoup le Bel Canto romantique. Est-ce qu’Abigaille et les rôles du jeune Verdi demandent une technique différente ?
Vous savez, la technique vocale est unique quel que soit le répertoire. Mais la différence entre le chant verdien et le bel canto est que le premier demande une voix solide avec de la « grinta », du mordant ; l’écriture vocale verdienne est plus directe et incisive. Le bel canto est beaucoup plus doux, la ligne mélodique plus délicate, plus ample… Il convient parfaitement à ma voix, il me détend.D’ailleurs chanter du bel canto me permet de mieux chanter Verdi ensuite, car Verdi requiert du « bel canto » dans certains airs comme le « Anch’io dischuiso ». Après avoir chanté du bel canto, tout est en place dans ma voix, notamment la morbidezza qui est essentielle aussi chez Verdi….
Vous chantez beaucoup d’opéras parmi les plus passionnants du répertoire belcantiste, Norma, Anna Bolena… Y-a-t-il encore des rôles qui vous font rêver et que vous souhaiteriez aborder ?
Oh, oui, il y en a beaucoup ! Par exemple Il Pirata de Bellini que j’apprécie énormément ! Mais aussi La Vestale de Spontini, ou Elvira de I Puritani… Je chante assez peu Puccini, mais je vais faire prochainement mes débuts en Tosca. Ce ne sera pas mon premier Puccini, car j’ai déjà chanté des rôles pucciniens quand j’étais plus jeune : Lauretta dans Gianni Schicchi, Liu et Mimi… Mais Puccini est dangereux pour la voix car il joue beaucoup sur les sentiments extrêmes… et l’orchestre est également très fourni. Donc je l’aborde avec prudence. Je chante essentiellement en Italien. J’ai appris l’italien quand j’étais petite… Mais mon italien s’est perfectionné grâce au Maestro Muti ! Il est extrêmement strict et exigeant, et je ressortais parfois désespérée de nos séances de travail… Mais après une telle école, tout m’apparaît beaucoup plus aisé aujourd’hui. C’est un grand maestro.
Vous chantez très régulièrement en Italie mais on ne vous voit guère en France. Avez-vous des projets à Paris ou en Province ?
Non je n’ai aucun projet pour l’instant en France et je ne saurais pas trop dire pourquoi… Bien sûr, j’aimerais y chanter mais, vous savez, mes engagements en Italie m’occupent déjà beaucoup !
Propos transcrits par Antoine Brunetto
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