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2020-21 Saison Orphique à Angers Nantes Opéra

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Actualité
14 septembre 2020
2020-21 Saison Orphique à Angers Nantes Opéra

Infos sur l’œuvre

Détails

Le directeur d’Angers Nantes Opéra propose en 2020-21 une saison ambitieuse où son amour de la voix déploie une large palette. Orphée en est le fil rouge évident, tandis que d’ambitieuses propositions de ciné-concerts, spectacles participatifs… concrétisent son souci d’aller au plus près des habitants.

Alain Surrans, Bonjour. Comment allez-vous ? Comment votre Maison a-t-elle résisté pendant la tempête ?

Le confinement a été pénible, le déconfinement compliqué d’autant plus que Nantes a des artistes permanents, donc une forme de responsabilité supplémentaire. Nous avons réussi a faire retravailler le chœur lors de 2 concerts de plein air qui nous ont fait le plus grand bien : quel soulagement de pouvoir tout de même rechanter ! L’interruption avait été brutale et l’annulation du projet de Madame Butterfly (spectacle et retransmission Opéra sur écran(s))  très douloureuse. Pouvoir repartir en campagne nous a tous soulagés même s’il reste des incertitudes. L’idée est de maintenir le projet de saison tel qu’il était et de s’adapter au fur et à mesure.

Vous débuterez en beauté avec Iphigénie en Tauride.

Il s’agit pour nous d’un projet très particulier car il nous permet de renouer avec la vocation de production lyrique du Grand Théâtre d’Angers. Ces dernières années, nous y présentions des créations montées à Nantes. C’est un théâtre que j’aime beaucoup et je souhaite que l’on vive au Grand Théâtre d’Angers comme on vit au Théâtre Graslin au moins pour une production chaque année.

S’agit-il de votre souhait ou de celui de la ville ?

Les 2, bien sûr ! Nous sommes d’accord sur l’idée qu’il faut retravailler la présence de l’opéra à Angers. La contribution financière de cette ville est vraiment moindre que celle de Nantes, mais la présence de l’opéra n’y était plus assez substantielle. C’était précisément mon projet lorsque j’ai posé ma candidature à la direction de l’institution. Nous avons d’ailleurs monté le projet San Giovanni Battista de Stradella dans la chapelle du conservatoire, ce printemps. Les Noces de Stravinsky devaient également être montées ici ce printemps, malheureusement, elles ont fait partie des projets annulés en raison du Covid.

En 2020-21, nous ouvrirons donc la saison avec Iphigénie en Tauride, montée à Angers et mise en scène par Julien Ostini. Une nouvelle manière de travailler avec les équipes du Grand Théâtre qui a beaucoup de sens pour nous, y compris avec la phalange angevine de l’ONPL qui sera en charge de toutes les représentations, y compris à Nantes et Rennes.

Ainsi, vous recréez du lien avec une ville qui s’était nettement désengagée ces dernières années ?

Les Maisons d’Opéra sont des institutions municipales anciennes, coûteuses, qui doivent entretenir avec leurs villes, leurs métropoles, une relation forte. Un syndicat mixte, c’est précisément une émanation de villes qui investissent conjointement dans une institution qui les représente. On est vraiment là, dans le service public, au même titre qu’un musée, qu’un conservatoire…

C’est une part de votre mission qui vous tient à cœur ?

Bien sûr ! C’est cela qui m’intéresse ! L’opéra coûte cher, la billetterie ne finance le coût d’une production qu’à hauteur de 20%. Le public ne paye qu’1/5 du coût de la place. J’ai des comptes à rendre en permanence aux habitants qui financent avec leurs impôts pour que des « privilégiés » – je mets le terme entre guillemets – puissent assister à des opéras. Je me sens au moins autant de responsabilités envers les habitants d’Angers et Nantes qu’envers mes spectateurs : les seconds profitent du spectacle, ce qui n’est pas le cas des premiers ! Les services et élus municipaux sont mes interlocuteurs et représentent pour moi ces électeurs et contribuables locaux. C’est également le sens des opérations sur écrans : une fois par an, on dit aux gens, venez voir ce que l’on fait, c’est libre, gratuit et formidable… Comme dans les musées, où votre ville a amassé des chefs-d’œuvre de la peinture pour vous : venez les voir, tout cela vous appartient !

Prenez le risque de la beauté !

Oui, ce geste là est très important, je trouve. D’ailleurs comme nous n’avons pu faire de captation de Madame Butterfly, je suis en discussion pour une captation d’Iphigénie en Tauride afin d’étendre la diffusion si nous ne pouvions jouer devant des salles pleines, s’il y avait des annulations…

L’esprit est de faire vivre la production en parallèle, voire à la place de représentations publiques, tout en créant un spectacle vraiment pensé pour le théâtre, avec un excellent metteur en scène qui a des idées dramaturgiques formidables. Il faut dire que le sujet est absolument merveilleux, un ouvrage d’une profonde originalité puisqu’il traite pour l’essentiel d’une histoire de famille et pas d’une histoire d’amour. Le ressort dramatique est celui d’une relation frère/sœur, les retrouvailles d’Oreste et Iphigénie, plutôt qu’un ressort amoureux. Le contexte est celui des Atrides, l’une des histoires de famille la plus lourde du répertoire avec des questions pesantes comme le parricide, le sacrifice humain, la fatalité ; mais également des questions qui nous parlent comme celle des étrangers qui font peur, comme les notions de civilisation et de barbarie, parce que le barbare, c’est toujours l’autre quel que soit son raffinement. Chaque fois que je me penche sur un opéra, je suis sidéré de voir combien les thématiques résonnent pour nous aujourd’hui. Julien Ostini a décidé de se saisir de ces thèmes en les symbolisant par des éléments importants comme ce disque de Diane qui se déplacera sur le plateau comme une lune, cette colonne qui s’enfoncera petit à petit comme si elle portait le poids de tout ces sacrifices humains qui dégradent l’humanité des héros, ou encore une belle symbolique autour du feu. Une très belle dramaturgie ainsi qu’une très belle scénographie à découvrir en octobre et en décembre prochains.

Un artiste du cast dont vous souhaiteriez parler ?

Marie-Adeline Henry que j’ai beaucoup invitée à Rennes. Elle y a chanté les rôles les plus divers de Mélisande à Michaëla en passant par Tatiana. Cette artiste, que j’aime beaucoup, sait traduire l’inquiétude féminine de manière extraordinaire. Iphigénie est un rôle taillé sur mesure pour elle car il porte cette angoisse profonde. Sauvée in extremis par Diane du sacrifice auquel elle était promise, elle ne sait pas, au fond, si elle ne regrette pas d’avoir été épargnée ; désespérée qu’elle est d’être désormais une grande prêtresse qui sacrifie d’autres êtres humains. Cette inquiétude métaphysique, je pense que Marie-Adeline Henry la traduira génialement.

L’autre thème de l’œuvre est celui de l’amitié d’Oreste et Pylade. Leur duo est à pleurer de beauté.

C’est donc un ouvrage fort, puissant, qui me bouleverse toujours.

Voilà qui s’annonce prometteur ! En écho, vous annoncez pour janvier 2021 un Sans Orphée ni Eurydice d’après Gluck dont le titre interpelle…

Effectivement, j’ai proposé au chorégraphe Mickaël Phelippeau de créer une pièce pour le chœur d’Angers Nantes Opéra. Par le passé, il a créé des pièces pour des chœurs amateurs, des footballeuses également… Il aime exalter l’esprit collectif et le fait à merveille. Il ne connaissait pas l’univers lyrique mais est tombé amoureux de l’Orphée de Gluck et comme j’aime beaucoup mon chœur pour son esprit collectif, pour sa personnalité collective, j’ai eu envie de les réunir autour de ce projet. La commande est centrée sur la partition des ensembles dans cet opéra. On y évoquera donc les personnages principaux en leur absence. Les premiers résultats sont très enthousiasmants, le chœur chante et danse. C’est un beau projet.

Alors que je le finalisais, les Arts Florissants m’ont proposé l’Orfeo de Monteverdi que Paul Agnew avait envie de reprendre. Une superbe mise en scène, épurée, qui navigue uniquement sur les émotions de la partition accompagnée d’un très beau travail collectif du chœur.

Cette thématique Gluck/Orphée s’interpénètre, on la fera résonner avec l’une de nos artistes en résidence Marie-Bénédicte Souquet, qui nous proposera un spectacle jeune public autour du chant d’Orphée, censé apprivoiser même les bêtes sauvages. Elle s’accompagnera elle-même à la viole de gambe pour évoquer le pouvoir de la musique et du chant.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces artistes en résidence ?

Nous avions initié ce compagnonnage l’an passé avec Marc Scoffoni, et malheureusement les circonstances de ce printemps n’ont pas permis de mener à bien toutes les actions prévues. Le baryton, lui, prépare un récital mobile avec accordéon qui flirte avec les références des adolescents – le public est celui des lycéens et des étudiants – partant de leurs goûts musicaux pour leur démontrer tout ce qu’il peut y avoir de résonance à travers l’opéra et combien certaines thématiques sont éternelles. Encore une fois, nous nous attachons au pouvoir orphique de la voix, sa place dans notre univers, notre sensibilité. Il est toujours frappant de constater que lorsque vous interrogez un adolescent sur les figures qui comptent pour lui, il vous citera presque toujours un chanteur ou un musicien. La musique compte pour cette classe d’âge. Et puis on a tous une voix, on sait ce que c’est de manière intime et familière, car il y a de nombreuses occasions de chanter dans une vie, du karaoké au stade ! C’est ce que nous souhaitons ici rappeler à la jeune génération, comme nous le faisons – à Rennes et à Nantes – avec les chaleureux concerts participatifs « Ça va mieux en le chantant ».

Votre série autour des voix du monde part de la même constatation.

Tout à fait. Les spectateurs ne comprennent pas les paroles, mais l’émotion elle, est bien là, puissante et intacte. Cette année, nous accueillerons Waed Bouhassoun, une chanteuse syrienne absolument bouleversante, mais également une soirée de théâtre chinois, une soirée malgache, pour faire la relation entre l’opéra et les spectacles musicaux, œuvres d’art totales, proposées par d’autres civilisations.

Vous proposez d’autres affiches qui font la part belle à la voix avec Lucia Di Lamermoor en mars ou encore un festival Rossini

Il s’agit de la reprise d’une belle production italienne de Stefano Vizioli, un garçon extrêmement doué, et l’occasion de faire entendre dans ce répertoire de Bel Canto des artistes italiens vraiment « Waouh » (il rit). L’œuvre sera proposée comme elle doit l’être, avec cet harmonica de verre qui intervient pendant le grand air de la folie, y introduisant une dimension étrange, céleste tout à fait extraordinaire.

N’oublions pas nos coproductions avec l’Opéra de Rennes : nous accueillerons en février 2021 Trois Contes, un opéra contemporain de Gérard Pesson ainsi que Fledermaus en juin.

Le festival Rossini, quant à lui, rassemble des concerts amusants qui proposent des transcriptions, notamment avec un transcription pour quatuor et harpe ou encore avec le quatuor Liger ainsi que deux spectacles, la Petite Messe Solennelle de Rossini, créée l’an passé avec la co[opéra]tive et l’ensemble Mélisme(s) de Gildas Pungier, toujours aussi talentueux et un petit spectacle pour les familles avec les Fourberies de Figaro, transcription pour une dizaine de musiciens et une mise en espace d’Eric Chevalier. Notre artiste en résidence, Marc Scoffoni incarnait Papageno l’an passé pour mieux conter la Flûte Enchantée, il revêtira cette fois les oripeaux de Figaro.

Ce travail de médiation culturelle prend une importante place dans votre programmation.

Absolument, nous aurons une création participative, Les Sauvages, avec une structure de théâtre musical, la compagnie Frasques, qui travaille beaucoup dans les quartiers. J’avais envie de leur donner les moyens de l’opéra : décors, costumes, création lumières pour 2 bandes d’enfants qui seront des écoliers et collégiens. L’histoire raconte la vie d’un quartier de Nantes qui a la particularité de se trouver à la lisière des bois : un environnement qui n’est donc pas exclusivement urbain. Le livret fonctionne sur un appel de la nature et une forme de fantastique, nouvel écho à Orphée.

Enfin, nous poursuivons une ambitieuse programmation de ciné-concerts qui sont autant de commandes en partenariat avec des festivals. Angers disposant d’un orgue hybride, transportable, la Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer, grande page de l’histoire du cinéma va ainsi sonner de manière extraordinaire.

Nous poursuivons la collaboration avec Living Ruins pour Le Fantôme du Moulin Rouge de René Clair auquel ils donneront des accents très rock, tandis qu’une biographie italienne de Léonard de Vinci de 1919 sera mise en musique par mon formidable ami Denis Raisin-Dadre de l’ensemble Doulce Mémoire.

Pour la saison suivante, je travaille déjà à un très joli projet autour du cinéma espagnol. Pour moi, au XXe siècle, le cinéma a pris la suite de l’Opéra comme grand art populaire avec des dimensions spectaculaires, fantastiques, passionnelles… Sans même parler du lien entre star et diva ! C’est un sujet qui me tient à cœur.

 

Propos recueillis le 27 juillet 2020

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