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150 nuances de Rossini

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Actualité
12 novembre 2018
150 nuances de Rossini

Infos sur l’œuvre

Détails

Trop souvent réduit à son Barbier de Séville, certes génial, mais impuissant à traduire toutes les facettes d’un génie multiple, Gioachino Rossini est disparu il y aura 150 ans tout rond le 13 novembre. Il faudrait un ouvrage de plusieurs centaines de pages (qui en français reste à écrire) pour raconter celui que l’on appelle le Cygne de Pesaro contre son gré (le « Cynge » corrigeait-il) : sa vie, son œuvre, ses interprètes – obligatoirement formés à l’exercice si spécifique de son chant –, son esprit… A défaut, pour que le compte soit bon, voici 150 (15 fois 10) points qui veulent aider à mieux connaître un compositeur injustement minimisé aujourd’hui, en France particulièrement. Une précision avant de passer à table – métaphore imposée par la gourmandise légendaire de Rossini –, cette liste ne saurait (et ne pourrait) être exhaustive. Il y a inévitablement des trous dans le gruyère, certains involontaires, d’autres non. Bon appétit !


Rossini en…

I – …10 dates

 1. 1792 : naissance à Pesaro un 29 février – ça ne s’invente pas –  de Gioachino Antonio Rossini, fils d’Anna Guidarini, elle-même fille d’un boulanger, et de Giuseppe Rossini, inspecteur de boucherie, trompette de la ville (tubatore) et fervent partisan de la Révolution française.

 2. 1804 : installation à Boulogne et poursuite de la formation musicale de Gioachino au Liceo musicale. On le surnomme Il Tedeschino (« Le petit Allemand ») en raison de son goût pour une orchestration foisonnante.

 3. 1810 : création avec succès à Venise de La Cambiale di Matrimonio, première d’une série de farces comiques appelées à développer la notoriété de Rossini.

 4. 1813 : création de Tancredi, considéré comme son premier opera seria, suivi quelques mois plus tard de L’italiana in Algeri. Rossini devient le compositeur le plus en vue de l’Italie.

 5. 1815 : l’impresario Dominico Barbaja invite Rossini à Naples. Là il rencontre celle qui deviendra sa muse puis son épouse, Isabella Colbran. S’ensuit une période d’une fécondité exceptionnelle dominée par la composition des neuf opéras dits napolitains : Elisabetta Regina d’Inghilterra (1815), Otello (1816), Armida (1817) Ricciardo e Zoraide (1818), Mosè in Egitto (1818), Ermione (1819), La Donna del lago (1819), Maometto II (1820), Zelmira (1822)

 6. 1816 : création du Barbiere di Siviglia à Rome. Après une première houleuse, l’œuvre connaît un succès triomphal qui ne s’est jamais démenti depuis, au point de faire de l’ombre à ses autres opéras. 

 7. 1824 : départ à Paris. Rossini devient directeur de la musique et de la scène du Théâtre-Italien. Une forme de consécration internationale dans une ville alors considérée comme le phare du monde lyrique. 

 8. 1829 : création de Guillaume Tell, dernier opéra composé par Rossini. On s’interroge encore sur les raisons de ce retrait de la scène alors que le compositeur était au sommet de sa gloire et qu’il lui restait près de 40 ans à vivre.

 9. 1868 : mort à Passy et inhumation au Père-Lachaise. Sa dépouille sera transférée à Florence à Santa Croce (le Panthéon italien) en 1887.

10. 1980 : création du Rossini Opera Festival (ROF), fer de lance de la « Rossini renaissance » amorcée peu d’années auparavant alors que la musique du compositeur italien n’était pratiquement plus jouée faute d’interprètes capables d’en maîtriser les difficultés et les subtilités 

II – …10 villes

 1. Pesaro : l’alpha et l’oméga des villes rossiniennes. C’est là que tout commence en 1792 avec la naissance du petit Gioachino Antonio ; c’est là que l’aventure se poursuit aujourd’hui avec chaque été depuis 1980 une académie de chant et un festival entièrement consacrés à la musique de celui que l’on surnomme de fait « Le Cygne de Pesaro »

 2. Bologne : la rouge, la grasse comme aiment à la qualifier les italiens. Rossini usa ses fonds de culotte sur les bancs de son liceo musicale avant d’y retourner vivre 26 Strada Maggiore dans un palais dont il aurait dessiné les plans et sur lequel il fit inscrire « Ce n’est pas la maison qui fait le maître mais le maître qui fait la maison ».

 3. Venise : la ville des premiers succès de Rossini. Le San Moise offre un format idéal et populaire aux farces en un acte dans lesquels le compositeur excelle. La mèche allumée au début des années 1810, se transforme en bouquet final en 1823 avec la création à La Fenice de Semiramide, crépuscule flamboyant de l’opéra seria.

 4. Milan : Etape lyrique déjà incontournable, Rossini s’y taille une large tranche de succès dès 1812 avec La pietra del paragone. Il y retournera à plusieurs reprises sans forcément renouveler l’exploit, exception faite de La gazza ladra en 1817.

 5. Naples : au début du 19e siècle, lieu de rencontre des meilleurs musiciens de la péninsule. Rossini y trouve toutes les conditions artistiques requises pour donner libre cours à son exceptionnelle créativité.

 6. Rome : Autre haut lieu de création rossinienne dont Il Barbiere di Siviglia en 1816 et, plus intéressants selon nous, ces autres chefs d’œuvres que sont La Cenerentola (1817) et Matilde di Shabran (1821).

 7. Vienne : capitale de l’Empire d’Autriche dont Rossini dans sa conquête de l’Europe musicale s’empare en un seul festival organisé par son imprésario napolitain Dominico Barbaja au Kärntnertortheater en 1822, non sans susciter certaines jalousies.

 8. Londres : Lieu de villégiature de Rossini en 1824. Le compositeur dirige au King’s Theater pour la dernière fois Isabella Colbran dans Zelmira, donne des leçons de piano et, fêté de tous, chante en duo avec le roi Georges IV.

 9. Paris : Dernière citadelle sur le chemin de la gloire, conquise en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Après avoir composé un ouvrage pour célébrer le sacre de Charles X – Il viaggio à Reims – et adapté en français plusieurs de ses œuvres italiennes, Rossini ajoute à son catalogue un ultime opéra en 1829 – Guillaume Tell – et décide de prendre à 37 ans une retraite restée énigmatique. Il meurt dans sa villa de Passy, située à l’emplacement aujourd’hui du 2 avenue Ingres près du jardin du Ranelagh.

10. Bad Wildbad : station thermale allemande devenu en 1989 festival rossinien au motif que Rossini y séjourna en 1856 et que ce séjour le stimula suffisamment pour qu’il se remette à composer, notamment son dernier chef d’œuvre la Petite messe solennelle. Bonne alternative au ROF. 

III – …10 femmes et hommes célèbres 

 1. Shakespeare (1564-1616) : un des plus grands poètes, dramaturges et écrivains anglais. Rossini mit en musique une adaptation de son Otello après avoir envisagé un instant Hamlet.  

 2. Charles X (1757-1836) : dernier roi de France dont le couronnement à Reims en 1825 servit de prétexte au dernier opéra buffa en italien de Rossini, Il viaggio a Reims, partition perdue puis reconstituée et triomphalement recréée en 1984 à Pesaro

 3. Domenico Barbaja (1777-1841) : impresario italien doué d’un flair de limier et d’un sens affûté des affaires. Rossini lui doit son engagement napolitain, une partie de sa fortune et sa rencontre avec Isabella Colbran, qui quitta Barbaja dont elle était la maîtresse pour l’épouser. 

 4. Stendhal (1783-1842) : le fan le plus célèbre de Rossini, au point d’écrire une biographie du compositeur de son vivant – Vie de Rossini – considérée comme un de ses meilleurs livres.

 5. Castil-Blaze (1784-1857) : musicographe, critique musical, compositeur et éditeur, ami et admirateur de Rossini dont il adapta Il barbiere di Siviglia en français et en l’honneur duquel il organisa en 1823 une soirée à Paris restée dans les annales. 

 6. Olympe Pélissier (1799-1878) : modèle du peintre Horace Vernet et maîtresse d’Honoré de Balzac avant de devenir en 1846 la seconde femme de Gioachino Rossini et l’usufruitière de son héritage légué à la commune de Pesaro.

 7. Tullio Serafin (1878-1968) : chef d’orchestre italien et un des pionniers de la « Rossini renaissance ». Découvreur de grands chanteurs, dont Maria Callas pour laquelle il monte une Armida désormais légendaire au Mai Musical florentin, le dernier opéra qu’il dirige à Rome en 1962 est Otello – de Rossini bien sûr. .

 8. Vittorio Gui (1885-1975) : autre chef d’orchestre italien et autre pionnier de la « Rossini Renaissance ». Il a légué une telle quantité de documents à la fondation Rossini de Pesaro qu’un fonds porte son nom.

 9. Alberto Zedda (1928-2017) : chef d’orchestre italien. Fondateur en 1980 puis directeur du Rossini Opera Festival. On lui doit en collaboration avec Philip Gossett la révision et l’édition critique complète des opéras de Rossini. Ses enregistrements se posent aussi souvent en référence.

10. Philip Gosset (1941-2017) : musicologue et historien américain dont l’essentiel de la carrière a été consacré aux recherches destinées à la préparation de l’édition critique intégrale des opéras de Rossini – et de Verdi, ce qui a suscité de la part du Newsday ce commentaire : « certains panégyristes prétendent que la soprano Maria Callas a fait autant pour l’opéra italien qu’Arturo Toscanini ou Verdi. Le musicologue Philip Gossett a sans doute fait autant pour l’opéra italien que n’importe lequel de ces génies »

IV – …10 ténors

 1. Manuel Garcia (Espagne, 1775-1832) : baryton et ténor, chanteur et compositeur, créateur du rôle d’Almaviva dans Il barbiere di Siviglia et cause involontaire de la chute de l’opéra le soir de la première, père de Maria Malibran et de Pauline Viardot, professeur et auteur via son fils d’une méthode de chant appelée à faire référence

 2. Andrea Nozzari (Italie, 1776-1832) : bariténore, créateur d’Otello, Rodrigo dans La donna del lago et de quelques autres, élève de Giacomo David à Bergame avant de devenir vingt ans après à Naples le partenaire attitré de son fils Giovanni. Capable du cantabile le plus suave comme du canto fiorito di forza le plus héroïque, Nozzari dotait chacun de ses rôles d’une complexité psychologique, appréciable compte tenu de la simplicité de certains livrets.

 3. Giovanni David (Italie, 1790-1864) : contraltino, créateur de Rodrigo dans Otello, Uberto dans La donna del lago et de quelques autres. Adepte du chant fleuri et à cet effet, doué d’une étendue et d’une souplesse hors du commun, mais cependant expressid, David fonctionnait généralement en binôme avec Nozzari dans les opéras napolitains de Rossini.

 4. Adolphe Nourrit (France, 1802-1839) : un des plus grands ténors de l’Opéra  de Paris, créateur du Comte Ory et d’Arnold dans Guillaume Tell. Technique solide, musicalité naturelle et acteur né : toutes les fées s’étaient penchées sur son berceau de chanteur ce qui ne l’empêcha pas de se défenestrer pour une question de contre-ut.

 5. Ernesto Palacio (Pérou, 1946) : un des pionniers de la « Rossini renaissance » dont la voix légère et souple a su s’adapter bon an mal an aux contraintes du chant rossinien. Il fut dans une 2e partie de carrière professeur de chant et imprésario, notamment de Daniela Barcellona et Juan Diego Flórez, avant de devenir surintendant du ROF en 2017.

 6. Rockwell Blake (USA, 1951) : pas le plus beau timbre du monde mais une technique inégalée doublée d’un ambitus vertigineux et d’une réserve de souffle à décorner des bœufs. Incontournable dans les rôles de contraltino écrits à l’intention de Giovanni David, ses dernières apparitions scéniques remontent à 2005.

 7. Chris Merritt (USA, 1952) : l’équivalent de Rockwell Blake dans le registre de baritenore. Là encore, une étendue phénoménale, une agilité à toute épreuve, au détriment parfois de la justesse, et une émission féroce, bienvenues pour s’approprier l’ensemble des rôles conçus initialement à la mesure gigantesque d’Andrea Nozzari.

 8. Gregory Kunde (USA, 1954) : ténor pluriel et, en ce qui concerne le chant rossinien, contraltino dans un premier temps – émission haute, suraigu imparable, facilité à ornementer –, reconverti avec la même pertinence en baritenore dans le courant des années 2000. Désormais, aux portes de la légende, ne serait-ce que par sa pluralité, sa présence scénique, son intelligence belcantiste et son extraordinaire longévité.

 9. Juan-Diego Flórez (Pérou, 1973) : un des fleurons du chant rossinien, contraltino type dont la renommée, établie sur la combinaison idéale d’un timbre suave, d’une musicalité rare et d’aigus percutants, va au-delà des frontières belcantistes. Malgré des incursions – plus ou moins concluantes – dans d’autres répertoires, sa fidélité au ROF depuis plus de 20 ans mérite une place d’honneur dans notre sélection.

10. Michael Spyres (USA, 1979) : phénomène vocal comme il n’en existe qu’un par siècle. Réincarnation du baritenore et dans un autre genre du ténor romantique, la combinaison idéale de Nozzari et Nourrit en quelque sorte.

V – …10 sopranos

 1. Isabella Colbran (Espagne, 1785-1845) : l’égérie, la muse, la maîtresse, l’épouse, la soprano à la tessiture énigmatique pour laquelle Rossini composa un grand nombre de rôles dont Semiramide – son chant du cygne. A la fin de sa vie, alors qu’ils étaient officiellement séparés depuis 1837, le compositeur, à qui l’on demandait quelle avait été selon lui la plus grande cantatrice, répondait sans l’ombre d’une hésitation : « Isabella Colbran ».

 2. Giuditta Pasta (Italie, 1797-1865) : la première diva romantique dont la voix ambiguë se prêtait idéalement aux rôles écrits pour Isabella Colbran. Tout en inspirant Donizetti (Anna Bolena) et Bellini (Beatrice di Tenda, Amina dans La Sonnambula, Norma, ), elle continua de porter haut le flambeau de l’opéra rossinien.

 3 Maria Callas (USA, 1923-1977) : Rosina (Il barbiere di Siviglia), Fiorilla (Il turco in italia) et surtout Armida en 1952 à Florence : En trois rôles, Maria Callas montrait qu’elle avait tout compris alors même que le chant rossinien était un langage disparu depuis plusieurs décennies. Réincarnation de Giuditta Pasta ? Génie, tout simplement.

 4. Anita Cerquetti (Italie, 1931-2014) : encore une météorite à une époque où il était trop tôt pour parler de « Rossini renaissance ». Mathilde dans Guillaume Tell et surtout Anaide en 1956 à Rome dans Mosé, transfuge apocryphe de Moise et Pharaon, furent hissées à des sommets inégalés par cette voix altière de grand soprano dont la grandeur dramatique n’excluait pas l’agilité.

 5. Montserrat Caballe (Espagne, 1933-2018) : sacrée reine du bel canto d’un coup d’un seul après avoir remplacé avec succès en 1965 à New York Marylin Horne dans Lucrezia Borgia, Montserrat Caballe eut à cœur de prêter sa voix d’or et ses légendaires pianissimi aux héroïnes rossiniennes, parmi lesquelles en premier lieu Ermione à Pesaro et Semiramide à Aix-en-Provence.

 6. Mariella Devia (Italie 1948) : dernière des belcantistes, si l’on en croit la vox populi, la voix de Mariella Devia, d’essence légère, la prédisposait moins à Rossini qu’à Donizetti et Bellini. Elle n’en reste pas moins une Adélaide di Borgogna, une Fiorilla du Turco in italia, une Adèle du Comte Ory de référence ou, dans un répertoire moins couru – celui des cantates profanes –, une exceptionnelle Didone.

 7. June Anderson (USA, 1952) : Paris se souvient de son interprétation d’Isabelle dans Robert le Diable sur la scène du Palais Garnier en 1985 mais June Anderson fut aussi le porte-drapeau rossinien de sa génération. La noblesse de la ligne, la souplesse de la vocalise et l’aisance dans le suraigu ont immortalisé ses interprétations de Semiramide, d’Elena (La donna del lago) ou encore d’Armida.

 8. Annick Massis (France, 1958) : la Francesa de la sélection et, de par sa nationalité, son agilité et sa science du chant, une Folleville du Viaggio a Reims et une Adèle du Comte Ory inévitables, entre autres grands rôles rossiniens parmi lesquels on compte aussi Mathilde de Guillaume Tell, Rosina du Barbier de Séville dans sa version colorature et Amenaide dans Tancredi. On lui doit aussi d’avoir été la première à remettre la rare Matilde di Shabran sur le podium, à Pesaro puis au disque.

 9. Cecilia Gasdia (Italie, 1960) : rossinienne au disque d’abord où, en l’absence de compétition, il lui revint de résoudre tant bien que mal l’énigme Colbran – une des pierres d’achoppement du chant rossinien. Elle dirige à présent les Arènes de Vérone.

10. Olga Peretyatko (Russie, 1980) : remarquée par Alberto Zedda lors de son passage à l’Accademia Rossiniana en 2006, elle est invitée dès l’année suivante à chanter Desdemona dans Otello, un rôle « Colbran » étranger à sa vocalité naturelle mais défendu avec tant de fraîcheur qu’elle finit par avoir son rond de serviette à Pesaro. Depuis les soubresauts de la vie l’ont conduit sur d’autres chemins mais Rossini reste sa clef de voute.

VI – …10 mezzo-sopranos et contraltos

 1. Maria Marcolini (Italie, 1780-1855) : première muse de Rossini et première Italienne à Alger mais aussi créatrice d’Ernestina dans L’Equivoquo stravagante et de Ciro dans Ciro in Babilonia, des rôles dont la virtuosité en dit long sur les capacités de cette authentique voix de contralto, réputée aussi pour ses talents de comédienne.

 2. Rosmunda Pisaroni (Italie, 1793-1872) : élève de célèbres castrats dont elle perpétua le style, Rossini, qui lui avait conseillé d’abandonner la tessiture de soprano pour celle de contralto, ne lui confia dans un premier temps que des rôles secondaires (Zomira dans Ricciardo e Zoraide, Andromaca dans Ermione) avant de concevoir à son intention Malcom dans La donna del lago. L’ampleur et la puissance exceptionnelle de son registre grave lui valurent un succès retentissant en Arsace dans Semiramide à Paris, en dépit d’un visage défiguré par la petite vérole.

 3. Maria Malibran (France, 1808-1836) : l’archétype de la diva, fille et élève de Manuel Garcia qui lui transmit une technique imparable, dotée d’une voix de mezzo d’une étendue prodigieuse, du sol grave au contre-mi, elle fut une interprète acclamée de Desdemona mais aussi d’Otello, entre autres opéras de Rossini qui pourtant lui préférait sa sœur cadette, Pauline Viardot.

 4. Giulietta Simionato (Italie, 1910-2010) : une des plus grandes cantatrices italiennes après-guerre, internationalement renommée dans les rôles de mezzo verdiens. Elle participa aux balbutiements de la « Rossini Renaissance » en chantant Isabella de L’italiana in Algeri, Rosina dans Il barbiere di Siviglia et Cenerentola.

 5. Marylin Horne (USA, 1934) : figure de proue de la « Rossini Renaissance », sa rencontre avec Joan Sutherland lui ouvre les portes du répertoire rossinien dans lequel elle s’ébat avec une virtuosité confondante. Si son interprétation d’Arsace dans Semiramide, de Malcom dans La donna del lago ou d’Isabella dans L’italiana in Algeri font référence, Tancredi demeure son rôle fétiche. 

 6. Lucia Valentini Terrani (Italie, 1946-1998) : après avoir triomphé au Concours International des voix Rossiniennes organisé par la RAI en 1972, Lucia Valentini Terrani ajoute un par un à son répertoire tous les grands rôles de mezzo-soprano des opéras de Rossini. En 1982, elle fait ses débuts à Pesaro avec Tancrède, participe en 1984 à la re-création mondiale d’Il viaggio a Reims et l’année suivant à celle de Maometto II.

 7. Ewa Podles (Pologne, 1952) : contralto revendiqué avec, de son propre aveu, un registre grave de poitrine qui sonne comme celui d’un baryton alors que le registre aigu, en voix de tête, est celui d’un soprano. Le pouvoir expressif de sa voix, sa capacité à ornementer et un ambitus de trois octaves caractérisent cette force de la nature rossinienne applaudie avec fureur en Ciro à Pesaro en 2012 et en 2015. 

8. Cecilia Bartoli (Italie, 1966) : s’il n’est pas certain que la voix de Cecilia Bartoli soit d’abord rossinienne, son goût de l’ornementation et sa technique lui ont autorisé de fréquentes incursions dans les opéras de Rossini, y compris dans le répertoire « Colbran » – Desdemona (Otello). L’intégrale de ses enregistrements rossiniens, réuni en un coffret à l’occasion du 150e anniversaire de la mort du compositeur, rassemble tout de même 15 CD et 6 DVD .

 9. Daniela Barcellona (Italie, 1969) : c’est après avoir interprété le rôle-titre de Tancredi à Pesaro en 1999 que la carrière de Daniela Barcellona prend une envergure internationale. Elle est aujourd’hui invité sur toutes les scènes internationales dès qu’il s’agit de chanter un des grands travestis de Rossini.

10. Karine Deshayes (France, 1972) : née pour chanter Rossini dès sa victoire au concours Voix nouvelles en 2002 qu’elle conquiert haut la main avec le rondo de La Cenerentola, Karine Deshayes a depuis usé d’une tessiture ambiguë entre mezzo-soprano et soprano pour se frotter aux impossibles rôles « Colbran » – Armida, Semiramide – dont elle est aujourd’hui une des interprètes les plus plausibles.

VII – …10 barytons et basses

 1. Filippo Galli (Italie, 1783-1853) : ténor de second plan avant de se reconvertir en basse et de rencontrer en 1812 Rossini qui écrit à son intention pratiquement tous ses grands rôles de basse à commencer par Mustafa dans L’Italiana in Algeri et Assur dans Semiramide.

 2. Nicola Rossi-Lemeni (Italie, 1920-1991) : un des principaux chanteurs italiens de l’après-guerre, que le mariage avec la fille de Tullio Serafin installe en basse rossinienne par défaut : Mustafa dans L’italiana in Algeri, Selim dans Il turco in Italia et également Mosé aux côtés d’Anita Cerquetti à Rome en 1956.

 3. Enzo Dara (Italie, 1938-2017) : celui qui sut redonner aux rôles de basse bouffe leurs lettres de noblesse, par une vis comica doublée d’une maîtrise absolue du canto sillabato, cette manière vertigineuse de débiter les notes à la vitesse d’une mitraillette sans reprendre son souffle.

 4. Samuel Ramey (USA, 1942) : la quadrature du cercle résolue : beauté du timbre, puissance, ambitus et agilité. Avec Samuel Ramey, la « Rossini renaissance » redécouvrait la voix de basse. Il a été depuis imité, jamais égalé.

 5. Alessandro Corbelli (Italie, 1952) : Après avoir papillonné autour du grand répertoire pour baryton, Alessandro Corbelli a fait des rôles bouffes rossiniens sa spécialité. Son goût pour la comédie doublé d’une excellente technique vocale l’a propulsé sur le devant de la scène dans les années 1980. En Bartolo dans Il barbiere di Siviglia comme en Magnifico dans La Cenerentola à l’Opéra de Paris à la fin du mois, il ne l’a depuis jamais quitté.

 6. Michele Pertusi (Italie, 1965) : Lauréat du concours voix verdienne, sa facilité dans les coloratures le pousse à étendre son répertoire aux opéras rossiniens jusqu’à faire partie des coutumiers de Pesaro. Selim, Alidoro, Mustafa, Assur, le duc Ordow, Maometto II : il a chanté tous les rôles de Filippo Galli ou presque.

 7. Lorenzo Regazzo (Italie, 1969) : De l’opéra bouffe au début de sa carrière – L’inganno felice à Pesaro en 2014 – aux grands rôles sérieux, Lorenzo Regazzo a exploré toutes les contrées rossiniennes réservées à la voix de basse avant d’ajouter à son arc la corde de metteur en scène, d’opéras de Rossini tant qu’à faire.

 8. Paolo Bordogna (Italie, 1972) : Sur les conseils d’Ernesto Palacio, Paolo Bordogna renonce à devenir baryton brillant pour se spécialiser dans les rôles comiques. Sa technique et ses dons de comédien le rendent rapidement incontournable dans ce répertoire au point que Decca qui lui offre en 2015 un récital discographique sur mesure, le premier pour baryton-bouffe sous ce label depuis cinquante ans.

 9. Mirco Palazzi (Italie, 1978) : Comment échapper à Rossini quand on a étudié au conservatoire de Pesaro et que l’on a pour modèle Samuel Ramey ? Avec le sérieux qui le caractérise, Mirco Palazzi s’emploie à marcher sur les traces de son aîné. Depuis 2015, Assur dans Semiramide fait partie de son répertoire. On attend la suite avec impatience.

10. Florian Sempey (France, 1988) : Figaro et Dandini de sa génération, coqueluche de Pesaro en 2014, Florian Sempey nage dans Rossini comme un poisson dans l’eau avec pour seule limite à ses ambitions rossiniennes le peu de rôles dévolu dans ce répertoire à une authentique voix de baryton. Guillaume Tell, un jour peut-être…

VIII – …10 compositeurs

 1. W.A Mozart (1756-1791) : le maître, dont le jeune Rossini copiera des pages et des pages dans la bibliothèque du Palazzo Malerbi à Bologne, avant de prendre pour modèles son traitement de l’orchestre et son approche affranchie de l’opéra.

 2. L. van Beethoven (1770-1827) : en 1822, d’après la légende, Rossini rencontre à Vienne Beethoven qui lui aurait glissé : « Surtout, mon cher, faites beaucoup de Barbier ». Une manière pour le compositeur allemand de faire comprendre, l’air de rien, à son confrère italien qu’il restait un amuseur envers et contre son immense succès. Ah, perfido !

 3. G. Meyerbeer (1791-1864) : imitateur du style de Rossini avant d’en détourner les codes vocaux au profit du Grand Opéra français, genre avec lequel il connaîtra un succès retentissant.

 4. G. Donizetti (1797-1848) : élève comme Rossini du père Mattei Bologne, il serait resté dans l’ombre si le succès d’Anna Bolena en 1830 n’était venu l’aider à se poser en successeur de son illustre aîné, notamment dans le genre buffa.

 5. V. Bellini (1801-1835) : protégé par Rossini lors de son arrivée à Paris, il réussit sur les fondations posées par ce dernier à ériger une œuvre originale, hélas abrégeé par une disparition prématurée.

 6. H. Berlioz (1803-1899) : auteur de Mémoires fameuses dans lesquelles il pourfend Rossini avec tant d’ardeur que sa vindicte en devient suspecte. Il faut dire, pour sa défense, que la Rossinimania en Europe et plus encore à Paris avait alors de quoi agacer celui qui ramait pour imposer sa musique.

 7. R. Schumann (1810-1856) : le succès exceptionnel de Rossini lui valut de nombreuses jalousies, comme souvent mauvaises conseillères. Ainsi Robert Schuman s’amusait à commenter la visite du compositeur italien à Beethoven en 1822 d’une phrase voulue spirituelle dont nul ne sort grandi, son auteur moins que les autres : « Le papillon vola sur le chemin de l’aigle, mais celui-ci se rangea, pour ne pas l’écraser d’un battement d’aile »

 8. R. Wagner (1813-1883) : un jour, alors que Rossini au piano ne parvenait à tirer que des sons cacophoniques d’une page de Wagner; un de ses élèves s’approcha et lui dit : « Maestro, vous tenez la partition à l’envers ! », ce à quoi Rossini répondit : « J’ai essayé en la mettant dans l’autre sens : c’était pire ! »

 9. G. Verdi (1813-1901) : la plus œdipienne des filiations de l’histoire de la musique dans le sens où il fallut à Verdi tuer le père pour régner en maître absolu sur l’opéra italien. D’innombrables coups de poignards lacérèrent l’héritage jusqu’à l’émergence d’une nouvelle forme de théâtre lyrique, moins abstraite. En supplantant celui de Rossini, Otello porta l’estocade.

10. J. Offenbach (1819-1881) : premier héritier de Rossini par la verve rythmique et le sens du rire en musique. Il pastichera le trio de Guillaume Tell dans sa Belle Hélène. Plutôt que le petit Mozart, c’est le petit Rossini des Champs-Elysées qu’il aurait fallu le surnommer.

IX – …10 livres

 1. Stendhal, Vie de Rossini, 1824 : au-delà des nombreuses anecdotes, quelques considérations essentielles notamment sur la révolution opérée par Rossini dans le chant

 2. Damien Colas, Rossini, l’opéra de lumière, Gallimard, 1992 : plaisant à feuilleter car illustré mais succinct

 3. Thierry Beauvert et Peter Knaup, Rossini : Les Péchés de gourmandise, Plume, 1997 : la recette du Tournedos Rossini et autres plaisirs de la table

 4. Patrick Barbier, A l’opéra au temps de Rossini et de Balzac, Hachette 2003 :  la comédie humaine en pratique dans un de ses lieux de prédilection

 5. Paul-André Demierre, Les opéras napolitains de Rossini, Editions Papillon, 2010 : recyclage de textes à vocation universitaire, pour les aspects musicaux et vocaux des œuvres étudiées.

 6. François Bronner, La Schiassetti, éditions Hermann, 2011 : deux années du séjour parisien d’une cantatrice aujourd’hui oubliée comme prétexte pour côtoyer Rossini.

7. Edmond Michotte, La visite de Wagner à Rossini, Actes Sud, 2011 : le récit savoureux de la visite que Wagner fit à Rossini en mars 1860 consigné mot par mot ou fabulé ?

 8. Jean et Jean-Philippe Thiellay, Rossini, Actes Sud, 2012 : l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur Rossini et les clés pour mieux comprendre son art. La référence en français, s’il en faut une.

 9. Jean Tulard, Rossini sous Napoléon, Editions SPM 2016 : une autre interprétation du silence qui suivit le triomphe de Guillaume Tell.

10. L’Avant-Scène Opéra à travers une petite douzaine de numéros consacrés aux opéras de Rossini est comme toujours une mine inépuisable d’informations.

X – …10 récitals

 1. Rockwell Blake, Rossini for tenor (John McCarthy, Maximiano Valdes, Renata Records, 1988 et 1989) : les plus grands airs pour contraltino rossinien sans aucune erreur de syntaxe, ni omission d’un seule note.

 2. Franco Fagioli, Rossini (George Petrou, Deutsche Grammophon, 2016) : apocryphe, insensé (Rossini n’a jamais écrit pour contre-ténor et très peu pour castrat) mais assumé, abouti et finalement attachant.

 3. Juan Diego Flórez, Rossini arias (Riccardo Chailly, Decca, 2002) : toute la séduction du timbre du jeune Flórez dans le répertoire le mieux adapté à sa vocalité.

 4. Marylin Horne, Rossini Arie alternative e Giovanna d’Arco (Alberto Zedda, RCA, 1983) : le contralto rossinien casqué et panaché à l’assaut d’airs rarement enregistrés avec en prime la cantate Giovanna d’Arco

 5. Vesselina Kasarova, Rossini arias and duet (Arthur Fagen, RCA, 1999) : avec le concours de Juan Diego Florez, une proposition de réponse à l’énigme « Colbran ».

 6. Jennifer Larmore, Amore per Rossini (Giuliano Carella, Teldec, 1998) : une voix chaude et flexible au service d’un melting-pot d’airs pour contralto ou mezzo-soprano colorature  

 7. Nelly Miricioiu, Rossini Gala (David Parry, Opera Rara, 2000) : la diva du label Opera Rara entourée de nombreux partenaires insuffle à quelques grandes scènes rossiniennes la flamme indispensable à ce répertoire.

 8. Olga Peretyatko, Rossini! (Alberto Zedda, Sony, 2015) : Zedda, Peretyatko, Rossini : Le père, la fille et le Saint-Esprit ensemble réunis dans la joie de chanter .

 9. Ewa Podleś, Rossini Gala (Wojciech Michniewski, Dux, 2001) : un des rares récitals de cette « force de la nature » rossinienne, honteusement négligée par le disque.

 9. Samuel Ramey, Alle Voci della gloria (Gabriele Ferro, 1991, Teldec) : à notre connaissance, la seule anthologie d’airs pour basse rossinienne, malheureusement introuvable aujourd’hui.

10. Marine Rebeka, Amor Fatale (BR Klassik, 2017) : une sélection de scènes originales interprétées avec ce feu glacé propre à cette soprano lettone souvent comparée à June Anderson.

XI – …10 intégrales

  1. Ermione (C. Gasdia, C. Merritt, E. Palacio – C. Scimone – Erato, 1986) : un des neuf opéras napolitains – le plus audacieux peut-être – dans la meilleure des versions au catalogue.

 2. La Cenerentola (C. Bartoli, W. Matteuzzi, E. Dara – R. Chailly – Decca, 1993) : un enregistrement en état de grâce pour tout un tas de raisons dont la première est l’adéquation équilibrée de la distribution.

 3. Guillaume Tell (M. Spyres, J. Howarth, A. Foster-Williams – A. Fogliani, Naxos 2015) : en direct de Bad Wildbad, une interprétation méritante dont le premier des mérites est de proposer en français la version intégrale d’une partition monumentale.

 4. La donna del lago (R. Blake, C. Merritt, J. Anderson, M. Dupuy – R. Muti, 2002) : le fleuron de la légende rossinienne dans l’opéra le plus romantique de Rossini.

 5. Le Comte Ory (J.D. Flórez, S. Bonfadelli, M.A. Todorovich – J. López-Cobos, 2004) : Un concentré de bonne humeur dans un français plus qu’acceptable.

 6. Matilde di Shabran (A. Massis, J.D. Florez – R. Frizza – Decca, 2006) : Découverte miraculeuse d’un ouvrage qui, comme tous les opéras rossiniens, exige des interprètes au-dessus de la mêlée. Ils sont ici réunis.

 7. Semiramide (I. Tamar, G. Kunde, M. Pertusi – A. Zedda – Fonit Cetra 2005) : Aucun des meilleurs solistes possibles dans cet opéra crépusculaire – Gregory Kunde excepté – mais une fois encore le tout est plus que la somme des parties.

.8. Stabat Mater (A. Bonitatibus, A. Esposito – A. Zedda, Dynamic, 2017) : un opéra en habits sacerdotaux, si complexe qu’il n’existe pas d’interprétation de référence. Seul Alberto Zedda parvient à obtenir cet impossible compromis entre or et encens avec une lecture culminant dans une double fugue finale apocalyptique où passe le souffle de Dieu.

 9. Tancredi (E. Podles, S. Jo, P. Spagnoli – A. Zedda – Naxos, 1995) : Un des rares témoignages studio de l’art de la Podles dans un de ses rôles fétiches.

10. Il viaggio a Reims (K. Ricciarelli, L. Valentini Terrani, L. Cuberli – C. Abbado – Deutsche Grammophon, 1984) : la version historique de l’exhumation en 1984 d’un ouvrage que l’on n’avait plus joué depuis 1825 !

XII – …10 DVD

  1. Ciro in Babilonia (E. Podles, M. Spyres, J. Pratt – D. Livermore, W. Crutchfield – Pesaro, 2012 – Opus Arte) : pour les débuts scéniques d’Ewa Podles et de Michael Spyres à Pesaro, bingo ! La représentation à la manière du cinéma muet des années 20 d’un des premiers opéra seria de Rossini, Intelligente, esthétique, ajoutée à une interprétation musicale de haute volée rend ce DVD indispensable.

 2. Il Signor Bruschino (A. Corbelli, A. Felle, A. Rinaldi – Schwetzingen, – M. Hampe, G. Gelmetti – 1989 – EuroArts) : la dernière des farces composées par le jeune Rossini représentée dans le cadre rococo de Schwetzingen et stimulée par l’irrésistible entrain d’Alessandro Corbelli.

3. Le Comte Ory (J.D. Florez, D. Damrau, J. DiDonato – B. Sher, M. Benini -New York, 2011 – Virgin) : un plateau de stars dans une mise en scène d’une lisibilité immédiate pour le plus fripon des opéras de Rossini.

 4. Il barbiere di Siviglia (J. DiDonato, J.D. Florez, P. Spagnoli – P. Caurier et M. Leiser, A. Pappano- Londres, 2009 – Virgin) : le fameux Barbier que Joyce DiDonato, après une chute malencontreuse, dût chanter en chaise roulante sans que ce handicap n’entame en rien la bonne humeur de la représentation. Au contraire

 5. L’Italiana in Algeri (M. Horne, P. Montarsolo, D. Ahlsted – J.P. Ponnelle, J. Levine – New York, 1993 – Deutsche Grammophon) : une des dernières Isabella de Marylin Horne. Inévitablement historique.

 6. Matilde di Shabran (O. Peretyatko, J.D. Florez – M. Martone, M. Mariotti -Pesaro, 2012 – Decca) : l’opéra le plus wagnérien de Rossini – par sa longueur – porte chance à Pesaro autant qu’à Juan Diego Florez, inégalé dans le rôle où il fut découvert, en 1996, dans la ville de Rossini déjà.

 7. Mosè in Egitto (R. Zanellato, S. Ganassi, D. Korchak – G. Vick, R. Abbado – Pesaro, 2011 – Opus Arte) : l’inutile actualisation israélo-palestinienne dans une captation vidéo faiblarde ne saurait masquer les atouts de cette version d’un opéra rarement représenté de Rossini, à commencer par l’engagement jusqu’au-boutiste de Sonia Ganassi.

 8. Otello (C. Bartoli, J. Osborn, J. Camarena – P. Caurier et M. Leiser, M. Tang – Zurich, 2012 – Decca) : ni la plus séduisante des Desdemone -mais peut-être la plus émouvante -, ni le plus grand des Otello mais une version recommandable par l’équilibre des parties prenantes.

 9. Semiramide (J. Anderson, M. Horne, S. Ramey – J. Copley, J. Conlon – New York, 1990 – Arthaus) : la dernière page de l’opéra seria fantasmée par Rossini tutoie les cimes dans cette interprétation dominée par quelques-uns des plus grands noms du chant rossinien.

10. Sigismondo (O. Peretyatko, D. Barcellona, – D. Michieletto, M. Mariotti – Pesaro, 2010 – Arthaus) : En transposant cet opéra méconnu dans les limbes psychiatriques d’une Pologne Mitteleuropa, Damiano Michieletto fait mouche. Daniela Barcellona en épigone de Louis II rongé par ses démons et Olga Peretyatko en clone de Sissi, dirigée amoureusement par son futur(ex)mari, offrent un aperçu des innombrables ressources de l’opéra rossinien lorsqu’il est justement interprété.

XIII – …10 extraits You Tube

1. June Anderson, 1988 : « D’amore dolce impero », Armida (Armida) : Si des huées sont audibles au début de cet extrait proposé dans des conditions visuelles impossibles (sans doute filmé sur l’écran de TV), elles ne sont pas destinées au ornementations délirantes de June Anderson mais à la mise en scène de Jean-Claude Fall (dont heureusement on ne voit pas grand-chose)

 2. Cecilia Bartoli, 1995, « Nacqui all’affano… », La Cenerentola (Angelina) : Tchetchilia avant qu’elle ne devienne la Bartoli, d’une fraîcheur et d’une exactitude redoutable dans ce rondo qu’elle agrémente de multiples effets, le trille n’étant pas le moindre.

 3. Rockwell Blake, 1996, « D’ogni più sacro impegno », L’occasione fa il ladro (Alberto) : la plus sensationnelles des messe di voce, à la fin de l’air sur le mot « liberta » ou comment mettre la virtuosité belcantiste au service du drame (en l’occurrence de la comédie).

 4. Mariella Devia, 1992 : « Giusto Dio che umile adoro », Tancredi (Amenaide) : l’art de Mariella Devia ne semble pas connaître de limite dans cet air qui comme souvent chez Rossini exige autant de sentiment que de virtuosité.

 5. Juan Diego Florez, 2005 : « Cessa di piu resistere », Il barbiere di Siviglia (Almaviva) : la voix claironnante de celui qui, par son succès, a contribué à mieux faire connaître la musique de Rossini, et puis le rose lui va si bien.

 6. Marylin Horne, 1986 : « Non Temer D’un Basso Affetto », Maometto II (Calbo) : Le canto di sbalzo dans tous ses états.

 7. Chris Merritt, 1989 : « Che vidi amici », Zelmira (Antenore) : Des ténèbres floutés d’une captation approximative, émerge sur le fil du rasoir la voix de Chris Merrit. Qui osera lui reprocher de nous donner le frisson ?  

 8. Ewa Podlès, 1994 : « Ah! quel giorno ognor rammento », Semiramide (Arsace) : bien malin qui reconnaîtra Ewa Podles sous sa moustache et son plumet tant la qualité de l’image est déplorable, la voix en revanche est reconnaissable entre toutes, entre baryton et soprano, longue, agile, volcanique, électrisante.

 9. Samuel Ramey, 1984 : « Invan strappar dal core », Il viaggio a Reims (Lord Sydney) : la basse colorature en action dans un de ces airs qui exigent tout – timbre, puissance souplesse, expression – et plus encore.

10. Michael Spyres,2016 :  « Balena il man del figlio », Ermione, 1819 (Oreste) : tous les effets belcantistes convoqués (et surmontés) pour camper un Pirro terrible et terriblement impressionnant

XIV – …10 termes techniques

 1. Bel canto : école de chant liée à l’opéra seria et à une technique basée sur la virtuosité, la liberté de l’ornementation, la nuance et la beauté du son. Partant de cette définition, Semiramide serait le dernier ouvrage belcantiste.

 2. Cadence : passage virtuose vers la fin d’une aria indiqué généralement par un point d’orgue.

 3. Colorature : ornement d’une grande virtuosité et, par extension, voix capable d’exécuter ces ornements (soprano colorature)

 4. Concertato : numéro d’ensemble où interviennent souvent graduellement solistes et chœur

 5. Crescendo : procédé musical, dont Rossini usa à l’excès, constituant à augmenter progressivement le son.

 6. Messa di voce : son filé ; commencé piano, enflé puis éventuellement diminué jusqu’au piano initial

 7. Pertichini (aria con) : air avec courtes interventions d’autres solistes (exemple : « Ah ! si, per voi già sento », l’air d’entrée d’Otello)

 8. Sorbetto (aria di) : air destiné à un personnage secondaire, souvent écrit par un assistant du compositeur, qui laissait au public le loisir de s’absenter quelques instants pour déguster un sorbet ou autres gourmandises glacées (exemple : l’air de Berta dans Il barbiere di Siviglia)

 9. Sbalzo (canto di) : chant avec fréquents sauts de registre (exemple : « Non temer d’ un basso affetto », l’air de Calbo dans Maometto II)

10. Trille : ornement consistant en un battement plus ou moins rapide de la note principale avec la note supérieure

XV – …10 citations

 1. H. de Balzac à propos de Rossini : « sa musique donne de l’espérance aux cœurs les plus endormis »

 2. H. Berlioz (dans ses Mémoires) : «  Ne concevant rien de plus magnifiquement beau et vrai que les œuvres de ces grands maîtres (ndlr : Gluck et Spontini), le cynisme mélodique, le mépris de l’expression et des convenances dramatiques, la reproduction continuelle d’une formule de cadence, l’éternel et puéril crescendo, et la brutale grosse caisse de Rossini, m’exaspéraient au point de m’empêcher de reconnaître jusque dans son chef-d’œuvre (le Barbier), si finement instrumenté d’ailleurs, les étincelantes qualités de son génie. »

 3. P. Chasles, à propos du roman de Balzac, La peau de Chagrin : « Si la société telle qu’elle est vous ennuie tant soit peu, et qu’il vous agrée de la voir pincée, fouettée, marquée en grande pompe, sur un bel échafaud, au milieu de tout le fracas d’un orchestre rossinien, d’un tintamarre et d’un charivari incroyable, et la décoration la plus assourdissante, lisez La Peau de chagrin »

 4. G. Hegel en 1824 dans une lettre à son épouse : « La musique de Rossini ne fait sens que si elle est chantée »

 5. G. Rossini : « Comme l’opéra serait merveilleux s’il n’y avait pas les chanteurs ! »

 6. G. Rossini en 1825 au restaurant La Maison Dorée (citation apocryphe, se non è vero, è ben trovato). : « — Garçon, préparez-moi un médaillon de bœuf, surmonté d’une escalope de foie gras poêlé le tout sur une tranche de pain, et préparez-le devant moi, que je vous observe.
— Mais Monsieur Rossini… c’est impensable…
— Alors tournez-moi le dos !
 »

 7. Stendhal, à propos de Tancredi, le premier opéra seria de Rossini : « Avant Rossini, il y avait bien souvent de la langueur et de la lenteur dans les opere serie ; les morceaux admirables étaient clairsemés, souvent ils se trouvaient séparés par quinze ou vingt minutes de récitatif et d’ennui ; Rossini venait de porter dans ce genre de composition le feu, la vivacité, la perfection de l’opéra buffa »

 8. Stendhal : « Le premier caractère de la musique de Rossini est une rapidité qui éloigne de l’âme toutes les émotions sombres si puissamment évoquées des profondeurs de notre âme par les notes lentes de Mozart. J’y vois ensuite une fraîcheur qui, à chaque mesure, fait sourire de plaisir. Aussi toutes les partitions semblent-elles lourdes et ennuyeuses auprès de celles de Rossini »

 9. R. Wagner, d’après Edmond Michotte dans La Visite de Wagner à Rossini : « Comme Mozart, il (ndlr : Rossini) possédait au plus haut degré le don de l’invention mélodique. Il était en outre merveilleusement secondé par son instinct de la scène et de l’expression dramatique. Que n’eut-il pas produit s’il avait reçu une éducation musicale forte et complète ? Surtout si, moins Italien et moins sceptique, il avait senti en lui la religion de son art ? »

10. A Zedda, interviewé en juin 1988 dans le magazine Opéra International « on peut entendre la mort de Mimi passivement (ndlr :  dans La Bohème de Puccini). Tandis que si l’on reste à la superficie de Rossini, il n’apporte rien. Il demande un public intelligent, moins attaché à la logique et plus accessible au fantastique »

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