Connaissez-vous Lohengrin mis à la sauce contemporaine ? Un concert donnait à entendre ce 1er novembre dans le cadre du Wagner Geneva Festival la version de Salvatore Sciarrino. De la légende du « chevalier au cygne », le compositeur italien n’a retenu que l’épisode hallucinatoire d’Elsa qu’il place au cœur de sa composition, sous-titrée action invisible pour soliste, instruments et voix. De voix, il sera peu question. Les partitions de Jaime Caicompai (ténor), Baekeun Peter Cho (baryton) et Wolfgang Barta (basse) sont réduites à la portion congrue, quelques interventions chorales rien de plus. L’essentiel de l’ouvrage — pour ne pas dire la totalité — repose sur l’interprétation de Lia Ferenese qui, en Elsa, fait preuve d’une virtuosité étonnante, même si très éloignée des canons du chant lyrique. Borborygmes, onomatopées, imitation de cris d’animaux (on a reconnu la palombe et le hamster), mots et bouts de phrase jetés sur la toile sonore tissée au millimètre par Matthias Pintscher et l‘Ensemble Intercontemporain, forment un discours qui veut traduire le désarroi de la jeune fille accusée de sorcellerie. On l’a compris, ce Lohengrin a peu de rapport avec son homonyme wagnérien si ce n’est la volonté de modernité. Passé l’effet de surprise, l’oreille, aiguisée par la subtilité des détails instrumentaux, devient hypersensible. Le moindre son prend un relief insoupçonné qui rend l’expérience d’autant plus fascinante qu’elle ne s’étire pas en longueur. Auparavant, Siegfried Idyll et la Symphonie de chambre de Schoenberg ont tracé d’un trait parfois sec la ligne qui conduit d’un Lohengrin à l’autre. [Christophe Rizoud]
Richard Wagner : Siegfried-Idyll ; Arnold Schoenber : Symphonie de chambre No 1 ; Salvatore Sciarrino : Lohengrin – Ensemble intercontemporain, direction Matthias Pintscher – Wagner Geneva Festival, vendredi 1er novembre, 20h.