Salle comble ce soir au Théâtre des Champs-Elysées pour un programme tout Mozart mêlant Symphonie n° 39 et Requiem. Hervé Niquet dirige non pas sa phalange habituelle mais l’Orchestre de Chambre de Paris, et c’est comme si le nom de cet orchestre avait assagi un chef aux options habituellement plus spectaculaires. Tout est en place, et l’exécution ne manque ni d’énergie ni d’attention, mais bien d’entrain et de couleurs, la sauce semble ne jamais prendre. Le placement des instrumentistes a pourtant été étudié avec soin : les vents au centre du premier rang, devant les violoncelles et contrebasse, les violons à jardin devant les cuivres, les altos à cour devant les timbales. L’orchestre n’est pas non plus perdu, au point qu’Hervé Niquet, avec l’humour qui le caractérise, se permet de croiser les bras et regarder la salle avec un étonnement feint au début du second mouvement de la symphonie. L’acoustique sèche du Théâtre est peut-être en cause, surtout pour cette messe à laquelle la réverbération des églises confère un caractère encore plus solennel. Mais tout de même, pourquoi l’orchestre est-il si discret pendant le Kyrie et la Sequentia ? Certes le tempo retenu est rapide (c’est flagrant dans le Lacrimosa fuyant tout atermoiement), mais pas au point de transformer la prudence en sourdine. C’est à peine si on entend les cuivres dans le Confutatis.
Par contraste, le Chœur du Concert Spirituel, est lui étonnamment puissant : plus français qu’à son habitude, la prononciation est très claire et structure le chant de façon forte, sa cohésion n’est jamais mise en défaut, on pourra certes trouver les ténors un peu trop diaphanes, pourtant c’est à ce prix que les différentes tessitures sont bien distinctes et que les effets d’écho et de fugues sont si marqués et réussis. Il faudra attendre le Domine Jesu pour que l’équilibre entre chœur et orchestre soit enfin satisfaisant.
Au rang des solistes, la retenue est aussi excessive. La brièveté de leurs interventions nécessite un degré de présence et d’éclat qui fait défaut à presque tous. Amina Edris n’a pas le brillant nécessaire pour lancer son Te decet hymnus ni le Lux aeterna ; Eléonore Pancrazi semble marcher sur des œufs ; Alexandre Duhamel est en petite forme avec des graves rêches et engorgés ; seul Amitai Pati réussit à donner à ses quelques phrases du Mors stupebit & Liber scriptus une aura justifiant que la partie n’ait pas été confiée à un soliste sorti du chœur.