Deux parutions simultanées d’archives lyriques mozartiennes sous la baguette d’Herbert von Karajan retiennent l’attention. Myto Historical réédite le Don Giovanni salzbourgeois de 1960, bien connu des mélomanes (référence: 3 CD 00317). Cette soirée fameuse figure en bonne place dans la discographie de l’oeuvre. Cette nouvelle parution permet de vérifier que cette réputation n’est pas usurpée. La direction de Karajan joue le jeu des contrastes: c’est souvent rapide, voire brutal (final du I), ce qui va assez bien avec l’œuvre, aux antipodes de la lecture furtwänglerienne quelques années plus tôt au même endroit. Les abîmes sont crûment mis en lumières. Les Wiener Philharmoniker suivent au doigt et à l’œil. Sur le plateau aussi, ça suit, et pas à moitié : Price est une Anna survoltée qui emporte tout sur son passage: c’est irrésistible. L’Elvire de Schwarzkopf, plus mûre, est conforme à sa légende. Sciutti est toujours aussi délicieuse en Zerline. Chez les hommes, Wächter campe le séducteur brutal et un brin névrosé que l’on connaît par ailleurs. Walter Berry est un Leporello robuste à défaut d’être parfaitement idiomatique. Valletti séduit en Ottavio, et Panerai n’a aucun mal à rafler la mise en Masetto. Une seule (légère) déception: le Commandeur un peu terne de Zaccaria. Une très grande soirée mozartienne néanmoins.
Mauvaise pioche en revanche avec une Flûte enchantée captée en mai 1962 au Staatsoper de Vienne, éditée par Urania Records (référence WS 121 154). Karajan n’arrive pas ce soir-là à trouver la clé de l’œuvre : sa direction est déséquilibrée, instable et les problèmes de mise en place sont par ailleurs réels. On n’est plus dans le luxe glamour de Salzbourg, mais dans la routine du Staatsoper, et ça s’entend… Et puis La Flûte enchantée n’est pas Don Giovanni : il y faut d’autres climats, d’autres équilibres, d’autres mystères. La distribution est par ailleurs bien inégale: Gottlob Frick est un Sarastro noir et charbonneux à souhait, mais il existe mieux ailleurs (avec Keilberth live, ou avec Klemperer au studio). Kunz fait son numéro de gouailleur viennois en chef, le public rit beaucoup. Gedda n’est définitivement pas un Tamino : la voix est trop claire et blanche : à oublier. Quant aux femmes, c’est encore plus problématique: une Reine quelconque (Wilma Lipp) ne fait certainement pas une Pamina. En Reine, Ingeborg Hallstein est limite. Mieux vaut passer son chemin. [Julien Marion]