Pour son édition du bicentenaire, le Festival Verdi propose une très belle série de concerts autour des œuvres du maître parmesan, ainsi que trois opéras en version scénique (et un Attila à destination du très jeune public, en version écourtée … pour marionnettes !). Simon Boccanegra ouvre le bal, donné ici dans la version traditionnelle révisée de 1881. La distribution réunie ici est cohérente et homogène composée de quelques vétérans et de jeunes talents. Au nombre des premiers, Roberto Frontali en impose par des moyens naturels au métal inentamé, avec une voix d’une remarquable homogénéité sur toute la tessiture. Après les récentes versions « pour ténor » ou réunissant une distribution internationale, on avait un peu oublié que Boccanegra pouvait aussi être chanté par un vrai baryton italien… Si la première partie reste un peu monochrome (le chanteur ayant un peu de mal à varier les couleurs d’émission), Roberto Frontali réussit au final une belle incarnation, pleine d’humanité et d’intériorité, culminant dans une mort dépourvue d’histrionisme.
Autre vétéran, Giacomo Prestia est un Fiesco gardant une réserve aristocratique en évitant certains de ces excès de « traitre de mélodrame » auxquels la musique invite parfois. Le grave est profond avec un magnifique « O lacerato spirito » d’entrée, la voix est homogène et bien projeté ; détail mineur, la basse fait tout de même l’économie des aigus sur « Osi a Fiesco proporre un misfatto ».
Propulsée il y a une dizaine d’années aux côtés de Luciano Pavarotti pour ses grands concerts populaires (notamment à Bercy), Carmela Remigio poursuit une carrière un peu discrète pour ses réels talents. Certes la voix manque un peu de largeur pour les exigences du rôle, le timbre n’est pas toujours des plus soyeux ni même très riche, mais le soprano compense ces limites par un engagement scénique de qualité, tout en finesse, avec une technique assurée et une belle musicalité (mutatis mutandis, on songe à Patrizia Ciofi dans le répertoire belcantiste).
Lauréat du concours « Francisco Araiza » de la ville de Mexico et membre des « Jeunes artistes » de l’Opéra de Los Angeles, Diego Torre enthousiasme le public par sa fougue, la vaillance de son chant, un aigu éclatant, complété par un médium et des graves riches. Le timbre n’est pas des plus personnels, mais la couleur est variée, les passages piano / forte bien maitrisés. Voilà assurément un chanteur à suivre.
Le rôle de Paolo est souvent attribué à des « chanteurs-acteurs » … plus acteurs que chanteurs. Avec Marco Caria nous tenons un traitre d’une certaine finesse et qui n’en rajoute pas dans l’expressivité. Surtout, le chant est ici parfait, de beaux moyens naturels s’ajoutant à une bonne maîtrise technique. Un Paolo pour une fois musical : c’est assez rare pour être signalé.
Parmi les comprimari, on citera les excellents Antonio Corianò et Sung Pil Choi : des rôles certes épisodiques, mais qui leur suffisent pour se faire opportunément remarquer.
Comme toujours en ces lieux, le chœur est excellent, tant musicalement que théâtralement, la mise en scène leur imposant de nombreux et complexes déplacements. A la tête de la Filarmonica Arturo Toscanini en grande forme, le jeune chef italien Jader Begnamini en impose par sa précoce maturité. La direction est vive, théâtrale, et maintient toujours la tension dans cette œuvre difficile dramatiquement. Bref, à l’opposé de certaines directions hédonistes qui font sonner l’orchestre comme jamais … mais sans s’intéresser à ce qui peut se passer sur le plateau. Assistant de Riccardo Chailly, mais ayant débuté sa carrière comme instrumentiste, le parcours du jeune chef fait penser à celui d’Arturo Toscanini qui démarra dans la fosse (il était contrebassiste à la création d’Otello) avant d’être propulsé à la direction d’orchestre. On ne peut que lui souhaiter un avenir similaire !
La production de Hugo de Ana ne cherche pas la relecture d’un ouvrage sans doute un peu hâtivement qualifié de « politique ». Le décor est composé à partir de quatre grands panneaux (d’aspect bois d’un côté, couverts de bas-relief de l’autre) qui, en fonction de leurs déplacements, cadrent astucieusement les différents lieux de l’action (bois pour l’extérieur, bas-reliefs pour l’intérieur). Seul bémol, des éclairage souvent un peu trop sombres, mais au final ce dispositif est assez spectaculaire malgré son économie de moyens. Comme décrit plus haut, le metteur en scène s’est attaché à une direction d’acteurs précise mais sans emphase, rendant humain des personnages parfois un peu monolithique.