Si l’Histoire musicale de Londres reste étroitement liée au souvenir de Haydn, qui y connut de tardifs et vibrants triomphes, il ne faut pas oublier que Mozart séjourna dans la capitale anglaise durant les grands tours d’Europe de sa jeunesse. C’est là qu’âgé de neuf ans, il se lia d’amitié avec le déjà très installé Johann Christian Bach, alors maître de musique de la Reine, et qu’il composa ses premières symphonies. Il serait absurde de chercher à comparer la KV 223, jouée ce soir en ouverture de programme, avec les chefs-d’œuvre que livrera le compositeur au faîte de son art, quelques années après. Mais la fluidité des enchaînements, les élégants commentaires laissés aux cors et aux hautbois, la fringante virtuosité du dernier mouvement, livrent déjà quelques clefs sur ce que deviendra plus tard le style mozartien. Sous la direction attentive de Ian Page, les Mozartists en font ressortir toute l’exubérance.
C’est dans un climat plus apaisé mais aussi plus mélancolique que s’ouvre « Cara la dolce fiamma ». Issue d’Adriano in Siria, opéra de Johann Christian Bach créé à Londres en 1765, cette longue rêverie où les bois viennent seconder les tendres vocalises de la cantatrice semble cousine des airs de concerts de Mozart. Ce dernier, justement, lui destinera plusieurs cadences. Ici, le souffle de Chiara Skerath est un précieux atout, ainsi que la capacité à varier les couleurs tout en délicatesse et en demi-teintes. L’art des nuances s’avère peut-être plus important encore dans la fameuse scène de Bérénice, où Haydn prend un malin plaisir, non seulement à varier les climats, mais encore à en accuser les tensions et dissensions. Et là aussi, Chiara Skerath suscite un enthousiasme mérité : de l’angoisse du récitatif au triste abandon du Largo, jusqu’à la rage teintée de folie de l’Allegro final, la soprano mène brillamment son récit, sans jamais apparaître en délicatesse avec le large ambitus et les vocalises hérissées d’une partition que l’on eût pu croire un peu trop grave pour elle. A la toute fin du concert, elle offre au public une création française : celle d’un air pastoral de Felice Giardini, contemporain et ami de Johann Christian Bach, dont la partition a été récemment redécouverte.
Entre temps, Ian Page et son ensemble auront séduit par une très vivante interprétation de la 99e Symphonie de Haydn, issue du cycle des 12 symphonies dites « Londoniennes » et également créée lors du séjour qui vit la première représentation de « Berenice che fai ». Après un premier mouvement où la structure des thèmes réserve quelques surprises dans ses développements et ses enchainements, un long et bel Adagio, qui semble annoncer Beethoven, laisse les bois s’épanouir dans de somptueuses lignes mélodiques. Les Mozartists soulignent d’emblée ce que ces pages contiennent d’audace préromantique, tout comme ils accentuent avec malice la verve plus classique, mais bel et bien jubilatoire, des deux derniers mouvements.