A l’écoute de ce disque, on se dit que Patricia Petibon est un modèle de sobriété et de retenue, tant Céline Ricci est crispante ! Elle en fait des tonnes, et si l’on appréciait encore récemment son abattage en scène dans Dido and Aeneas (voir recension), il y a des choses qui passent beaucoup moins bien sans l’image, loin du théâtre. Et ce qui peut s’avérer nécessaire pour redonner vie à des partitions anciennes, où les indications sont rares ou inexistantes, est souvent des plus malvenus dans la musique plus récente. Formée au répertoire baroque, Céline Ricci a une prononciation d’une clarté appréciable, mais qu’elle gâte par l’abus de glissandos et par des notes approximatives à force de se vouloir expressives. Loin d’animer ces mélodies, les grimaces vocales systématiques de mademoiselle Ricci ont finalement pour effet d’engendrer une certaine monotonie, comme si elles étaient toutes chantées par les sorcières de Purcell. On en vient même à se demander si la chanteuse ne sur-joue pas tous ces effets comiques pour faire oublier le vibrato où s’enlise la moindre note tenue, dans les rares mélodies sérieuses. Et que dire de ce ténor non identifié, incapable de masquer son accent anglo-saxon ? Pour les quelques phrases qu’il a à chanter (plages 19 et 25), ne pouvait-on vraiment trouver un francophone ? Après avoir cru qu’il s’agissait en fait du pianiste Daniel Lockert en personne – à qui sont confiées deux plages purement instrumentales, dont « Le Petit âne blanc » de Jacques Ibert –, on découvre en fouillant le livret d’accompagnement que ce chanteur se nomme Allan Palacios Chan.
C’est d’autant plus dommage que le programme est extrêmement alléchant : à part les Fables superbement mises en musique par André Caplet et le « Petit cheval » de Séverac, on n’a guère l’occasion d’entendre les morceaux ici réunis. Même les pièces de Henri Sauguet n’encombrent pas la discographie, et l’on apprécie de pouvoir écouter ici le cycle complet « Les Animaux et leurs hommes », sur des poèmes d’Eluard (1925), dont il n’existait à notre connaissance qu’une version, gravée par Suzanne Lafaye ; Jean-François Gardeil avait en revanche enregistré pour Timpani l’intégralité des Six Mélodies sur des poèmes symbolistes.
Qui connaît Gabriel Grovlez (1879-1944), pianiste qui créa la Sonatine de Ravel ? On découvre ici une des huit pièces de sa suite pour piano seul, L’Almanach aux images (1911), composée dans l’esprit d’œuvres contemporaines destinées à des enfants, comme Dolly ou Children’s Corner. Qui se souvient encore de sa consœur Jeanne Herscher-Clément (1878-1941), dédicataire d’œuvres de Milhaud ou de Koechlin ? La moitié du minutage de ce disque est occupée par son Bestiaire du Paradis (1939), « suite de douze mélodies en forme de chansons », dont certaines pour deux voix, et la dernière avec flûte en plus du piano, sur des textes amusants de la baronne Renée de Brimont. Pour entendre ce cycle rare, on s’efforcera de surmonter les réserves que peut inspirer l’interprétation exubérante de Céline Ricci.
